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Condamnation d’une société viticole pour contrefaçon de peintures reprenant la morphologie des Playmobil

Confirmant la décision de première instance, l’arrêt du 17 janvier 2020 de la Cour d’appel de Paris permet de revenir sur la notion de fonds commun de la création, peu usitée par les défendeurs aux actions en contrefaçon, et sur la méthode d’appréciation du préjudice résultant de la contrefaçon.

S’inscrivant dans le courant de « Geek Art », un peintre avait créé des œuvres, en remplaçant les personnages de tableaux célèbres par la peinture de figurines reprenant la morphologie des « Playmobil ». En 2016, le peintre découvrit qu’une société viticole commercialisait des tonnelets de trois litres de vin comportant une reproduction de quatre de ses créations, notamment des interprétations de la Joconde de Léonard de Vinci et de Madame Rivière d’Ingres. Afin de décorer ses produits, la société avait fait appel à une artiste autre qui s’était, semble-t-il, contentée de rassembler les tableaux préexistants en les reproduisant de façon « quasi servile » sur une seule et même image reproduite sur les tonnelets.

Condamnés solidairement en première instance pour contrefaçon, la société commerciale et l’artiste à qui l’illustration avait été commandée ont interjeté appel de cette décision. Le raisonnement suivi par l’arrêt d’appel est intéressant sur deux points : la qualification de l’originalité des œuvres premières et la caractérisation du préjudice subi. Les défendeurs soutenaient que les créations du peintre n’étaient pas originales car les tableaux objet du litige ne consistaient qu’en la reprise d’œuvres connues avec une simple modification de détails ou de proportions.

La combinaison des éléments issus du fonds commun, susceptible de protection

Dans un premier temps, les juges de la Cour d’appel relèvent que les différents exemples produits par les défendeurs au soutien de leur défense sont soit postérieurs aux créations du demandeur, soit possèdent des différences entre elles, les autres artistes ayant pu « utiliser des physionomies distinctes d’autres jouets connus telles celles de personnages Lego ». Ecartant ainsi l’existence d’œuvres premières, la Cour d’appel admet néanmoins que les peintures comportent « certains éléments (…) connus » et que « pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l’univers du détournement d’objets, œuvres célèbres ou figures cultes, ou s’inscrivent dans un courant dit Geek Art né au début des années 2000 utilisant des références ou symboles populaires et classiques. » Toutefois, la Cour souligne que l’originalité des peintures reposaient justement sur la combinaison de ces éléments, leur agencement conférant à chacune de ses œuvres de l’esprit « une physionomie particulière qui la distingue tant des jouets qu’elle évoque que d’autres utilisations » les rendant éligibles à la protection du droit d’auteur. En somme, si les différents éléments utilisés par un artiste proviennent du fonds commun de la création, permettant à chacun de se les approprier, leur combinaison est toujours susceptible d’être protégée par le droit d’auteur.

Une fois l’originalité caractérisée, les juges confirment la contrefaçon en relevant que les ressemblances entre l’illustration présente sur les tonnelets et les tableaux créés par le peintre étaient presque identiques, ceux-ci « montrant les mêmes choix de transposition de figurines Playmobil, dans une même combinaison des caractéristiques essentielles de chacune des quatre œuvres telles que revendiquées ». La quasi-similarité de l’illustration avec les tableaux s’oppose alors à sa qualification d’œuvre originale et caractérise la reproduction et la représentation sans le consentement de l’auteur des peintures, justifiant la condamnation au titre de la contrefaçon.

Une application des mécanismes de calcul alternatifs rigoureuse

Le second intérêt de la décision repose sur l’appréciation du préjudice indemnisable par la Cour d’appel. En effet, l’article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle propose deux méthodes de calcul alternatives pour apprécier le préjudice résultant de la contrefaçon, l’une proportionnelle et l’autre forfaitaire. Le choix de la méthode forfaitaire est toutefois conditionné à une demande expresse de la part de l’auteur. À défaut, le premier alinéa prévoit que le préjudice est apprécié eu égard aux conséquences négatives de l’atteinte, au préjudice moral de l’auteur et au bénéfice réalisé par le contrefacteur. En première instance, la société avait été condamnée à réparer 15.000 euros au titre du préjudice économique et 5.000 euros au titre de l’atteinte au droit moral solidairement avec l’artiste. Dans ses demandes en appel, le peintre réclamait 90.000 euros au titre de ses prérogatives patrimoniales, 15.000 euros au titre de l’atteinte à son droit moral et 15.000 euros au titre de son préjudice moral.

Or, la Cour relève que l’auteur ne demande pas l’appréciation forfaitaire de son préjudice. Suivant la grille d’analyse prévue par le premier alinéa, les magistrats notent que le peintre n’établissait pas une perte de la valeur de ses œuvres en raison de la contrefaçon mais que la société viticole avait nécessairement économisé l’acquisition des droits sur les œuvres et donc le versement de droits d’auteur au titre de la reproduction de ces œuvres sur les tonnelets. Par ailleurs, ils précisent que la reproduction de moins bonne qualité de ses œuvres et leur réunion sur un même support de couleur causent nécessairement un préjudice moral renforcé par l’utilisation des œuvres dans le cadre d’une opération de promotion de produits alcoolisés. La Cour condamne solidairement la société et l’artiste contrefactrice au paiement de la somme globale de 20.000 euros.

L’auteur pourrait nourrir quelques regrets de ne pas avoir expressément demandé l’appréciation forfaitaire de son préjudice. En effet, si le montant total des dommages et intérêts accordé est identique à ceux de la première instance, aucune distinction n’est opérée entre le préjudice patrimonial et moral.

Article écrit par Me Simon Rolin,
Avocat Collaborateur

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