MetaBirkin : contrefaçon reconnue dans le Métavers
Pour la première fois, un jury américain a pu reconnaître des actes de contrefaçon causés par la création et la commercialisation de NFT reprenant sans autorisation la dénomination et le dessin des fameux sacs Birkin.
Le phénomène des NFT (« non-fungible token » ou « jeton non fongible » en français[1]) n’a eu de cesse ces toutes dernières années de bousculer nombre de frontières, de concepts et d’acquis. Le monde de l’art a participé activement à ce mouvement et, en contretemps, le monde juridique commence à apporter quelques solutions, à l’instar de celle du 2 février 2023 rendue par un jury du tribunal du district Sud de New York dans le procès opposant Hermès à l’artiste Mason Rothschild. Ce dernier, après avoir créé une première image animée reprenant déjà le dessin d’un sac Birkin, avait décidé de lancer le projet « MetaBirkin » visant à décliner un sac Birkin en cent exemplaires virtuels uniques, vendus sous forme de NT, chacun d’eux présentant des déclinaisons spécifiques, qu’elles relèvent par exemple de la présence de fourrure colorée ou de l’inspiration d’œuvres célèbres telles que la Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai. Face à une utilisation non-autorisée de ses droits de propriété intellectuelle, Hermès mit en demeure l’artiste avant d’obtenir de la part d’OpenSea, la plus grande place de marché de NFT au monde, le retrait des NFT jugés contrefaisants. L’artiste ayant décidé de proposer ses créations adossées à un NFT sur une autre plateforme, Hermès entama le 14 janvier 2022 une procédure judiciaire à son encontre à New York.
L’action judiciaire menée visait à voir reconnues l’atteinte à l’image de marque, l’utilisation sans autorisation et dans un but commercial de la marque et ce, afin d’imposer l’arrêt du projet, la rétrocession du nom de domaine Metabirkin, ainsi que le versement de dommages et intérêts. En effet, les ventes des créations adossées chacune à un NFT unique auraient dépassé 1,1 million de dollars, payés en cryptomonnaie, selon les documents produits en justice par Hermès. La loi fédérale américaine « Lanham Act » confère en tout état de cause un monopole d’exploitation sur une marque déposée, c’est-à-dire la possibilité pour le titulaire de celle-ci d’en interdire toute utilisation identique ou similaire non autorisée dès lors qu’il existe un risque de confusion ou un risque de dilution d’une marque renommée. Face à de telles revendications, l’artiste invoquait le bénéfice de la liberté d’expression visée au premier amendement de la Constitution des États-Unis et la jurisprudence « Rogers vs Grimaldi » de 1989, qui consacre le droit d’utiliser une marque protégée dans le cadre d’une exploitation artistique, sous réserve qu’une telle utilisation relève d’un minimum d’apport créatif et que l’œuvre n’induise pas le public en erreur sur le rapport entre l’œuvre et la marque utilisée. En d’autres termes, le projet « MetaBirkin » ne s’apparenterait ni plus ni moins aux reproductions en sérigraphie réalisées par Andy Warhol avec les boîtes de soupe Campbell’s, bénéficiant alors du régime protecteur du premier amendement, puisque ces créations seraient des œuvres d’art, portant un discours socialement engagé, Mason Rothschild énonçant dénoncer la consommation ostentatoire représentée par l’un des objets emblématiques du luxe international. Cette démonstration n’a cependant pas été suivie d’effet, l’artiste ayant finalement été condamné pour les raisons développées au sein de l’article paru en mars 2023 dans The Art Newspaper France.
L’intégralité de l’article est à retrouver dans l’édition française de mars 2023 de The Art Newspaper.
Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
[1] Technologie permettant d’individualiser, de rendre rare ou uniques des biens numériques grâce à la « blockchain », technologie qui permettant de certifier des opérations de manière décentralisée, sécurisée et transparente.