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Compétence exclusive du juge administratif pour la remise en état d’une œuvre d’art ayant la qualité d’ouvrage public

Si le juge judiciaire s’avère exclusivement compétent pour connaître des litiges relatifs à des actes de contrefaçon ou encore de cession de droits mettant en prise un artiste-auteur et une personne publique, cette compétence ne s’étend pas aux mesures de remise en état de l’œuvre dénaturée. Deux récentes décisions s’en font l’écho.

Ainsi, le Tribunal des conflits a, le 5 septembre 2016[1], institué le principe de la nécessaire scission de ce type de contentieux entre le juge judiciaire et le juge administratif. Cette compétence partagée impose alors de porter devant le juge de l’ordre judiciaire l’action visant à voir réparée l’atteinte à l’intégrité, matérielle ou spirituelle, de l’œuvre. En revanche, la demande visant voir ordonnée la remise en état de l’œuvre dénaturée relève de la compétence du juge de l’ordre administratif. Et ce, alors même qu’une telle action poursuit l’objectif de restituer à l’œuvre son intégrité d’origine. Dans le cadre de l’action intentée par Jean Nouvel contre l’Association Philharmonie de Paris, le Tribunal des conflits retient ainsi que « si la juridiction judiciaire est seule compétente pour se prononcer sur la question de savoir si M. Nouvel a subi un préjudice résultant de la dénaturation qu’aurait fait subir à son œuvre le maître d’ouvrage, la juridiction administrative est, en revanche, seule compétente pour statuer, le cas échéant, sur la demande tendant à la réparation de ce préjudice par la réalisation de travaux sur l’immeuble de la Philharmonie de Paris ». 

Dans le sillage de la décision du Tribunal des conflits, la troisième chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris a énoncé, le 10 mars 2017[2], qu’il « n’est pas compétent pour ordonner des mesures de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité d’un ouvrage public et il ne peut ordonner la réalisation de travaux sur l’ouvrage public et faire des injonctions à l’administration, qui peuvent être prononcées que par la seule juridiction administrative ». Les demandes portées par l’artiste dont trois éléments de sa sculpture monumentale avaient été enlevés, portant dès lors atteinte à son intégrité, « ne peuvent donc prospérer devant la juridiction judiciaire ». La réparation pécuniaire de l’atteinte au droit moral est, en revanche, accueillie, la communauté d’agglomération étant en l’espèce condamnée à verser dix mille euros à titre de dommages-intérêts.

Alexis Fournol
Avocat à la Cour

[1] T. confl., 5 sept. 2016, no 4069, Jean Nouvel c. Association Philharmonie de Paris.
[2] TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 10 mars 2017, RG no 15/05154.

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