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Fiscalité des collectionneurs : l’appréciation cas par cas de l’administration fiscale

Article publié le 14 avril 2025

Revendre régulièrement ses acquisitions peut faire basculer le collectionneur dans une fiscalité bien plus lourde, comme le rappelle une récente décision de la CAA de Paris. En effet, l’amateur peut être considéré comme agissant en tant que commerçant et assujetti à la TVA et soumis à un redressement important.
Une récente décision de la Cour administrative d’appel de Paris illustre les risques qu’encourent les collectionneurs qui se livrent à une revente régulière de leurs acquisitions. En pratique, l’administration fiscale ne fixe aucun seuil entre la simple revente par un particulier et l’activité de marchand. Les deux critères dégagés par la jurisprudence sont l’importance et la fréquence des transactions effectuées par le collectionneur. Le cas échéant, les revenus tirés de la revente seront considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux et soumis à l’impôt sur le revenu. Et si le montant du chiffre d’affaires dépasse le seuil de franchise de TVA, la sanction sera double puisqu’il sera redevable également de la TVA qu’il aurait dû collecter en tant que marchand.

Des conséquences lourdes pour le collectionneur
Lorsqu’un collectionneur vend une œuvre d’art ou un objet de collection, il applique la taxe forfaitaire sur les objets précieux. Le versement de cette taxe est libératoire et le produit de la vente n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu. D’un montant de 6 % du prix de vente auquel s’ajoute 0,5 % de CRDS, cette taxe est versée par le collectionneur ou, lorsqu’un professionnel intervient à la vente, par ce dernier. Ce régime exclut les sommes perçues de toutes imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ce régime permet d’éviter l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, dont le taux peut atteindre 45 %. À titre d’exemple, la vente d’une œuvre à 200.000 euros exposerait une partie du gain à ce taux maximal.
Pour autant, lorsque le collectionneur réalise régulièrement des transactions, c’est-à-dire des achats et de reventes, il est susceptible d’attirer l’attention de l’administration fiscale et d’emporter une requalification de ces revenus en bénéfice industriel et commerciaux. Ainsi, alors que les montants ont été imposés au titre de la taxe forfaitaire, ceux-ci seront réintégrés dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Si le chiffre d’affaires dépasse le seuil de franchise de TVA, l’administration peut exiger le paiement de la TVA : 5,5 % pour les œuvres d’art et 20 % pour les autres biens. Naturellement, des pénalités et intérêts de retard sont également susceptibles d’être appliquées par l’administration fiscale.

Une appréciation par l’administration fiscale au cas par cas
Dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 17 octobre 2024[1], l’administration fiscale reprochait à un collectionneur une activité occulte de négociant en vin. Si l’amateur en vin possédait un stock de 698 bouteilles, certains de ces achats avaient attirés l’attention de l’administration fiscale. Il avait en effet acheté six bouteilles de Pétrus du millésime 2010 en 2011 pour 3.750 euros, six autres en 2012 pour un millésime de 2009 pour 3.150 euros, puis 48 bouteilles du millésime 2012 les 28 mai et 14 juin 2013 pour un prix total de 18.720 euros. Or, ces bouteilles avaient été revendues à un négociant en vin à Bordeaux, respectivement les 19 avril 2013, 14 septembre 2012 et 4 juillet 2013 pour des prix totaux respectifs de 12 000 euros, 14 400 euros et 72 000 euros. Elles ont été livrées les 21 mai 2013, 18 septembre 2012 et 16 juillet 2015.
La Cour relève alors que le particulier avait pour chacune des transactions identifiées réalisées d’importantes plus-values, avec un prix multiplié entre 3,2 et 4,6, qu’il n’avait pas disposé physiquement des bouteilles et qu’elles avaient été revendues à un professionnel spécialisé dans le commerce de vin. Ces bouteilles avaient même été achetées « en primeur » c’est-à-dire avant que le vin ne fût mis en bouteille et commercialisé, et revendus dans un délai entre quatre jours et un peu plus de deux ans après leur achat.

Le particulier n’avait donc pas acheté ses bouteilles en vue de sa consommation personnelle pour un vin dont il est de notoriété qu’il possède des qualités de garde importantes, mais pour les revendre. En effet, sur l’ensemble de son stock, seules les bouteilles de Pétrus avaient été revendu pendant la période objet d’un contrôle fiscal. Les magistrats concluent donc qu’eu égard à l’importance et à la fréquence des transactions et du faible temps dans le patrimoine du contribuable, il avait agi en tant que commerçant, c’est-à-dire négociant en vin à titre individuel et dans un but lucratif. Ces transactions devaient donc être imposées sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et être considérées comme des livraisons de biens effectués à titre onéreux par un assujetti à la TVA dont il était alors redevable.

Un article écrit par Me Simon Rolin
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement des collectionneurs, galeries, antiquaires ou maisons de vente dans l'appréhension des problématiques attachées à la vente des collections et œuvres d’art et à la fiscalité. Que ces problématiques soient d’ordre fiscal, commercial ou douanier.
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[1] CAA Paris, 7e ch., 17 oct. 2024, no 23PA00612.