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Escroquerie : modification des coordonnées bancaires sur les factures

Article publié le 7 mars 2025

Courriers électronique avec l’entête d’une galerie provenant d’une adresse mail légèrement modifiée vous invitant à procéder au paiement d’une œuvre, bordereau d’une maison de ventes aux enchères avec une mise en page légèrement modifiée, ces éléments doivent attirer l’attention des collectionneurs. En effet, la galerie ou la maison de ventes avec laquelle le collectionneur est en lien est peut-être victime d’un procédé d’hameçonnage, mis en œuvre par des pirates informatiques, dont les conséquences sur le paiement d’une œuvre d’art sont incertaines.

La pratique de l’hameçonnage – ou « phishing » en anglais – est le quotidien de nombreuses personnes. SMS étranges, mails de l’Assurance maladie douteux, propositions de paiement d’une facture d’électricité surprenante sont autant d’exemples quotidiens. Si les internautes sont de plus en plus vigilants face à ces tentatives de fraudes, des techniques de plus en plus élaborées touchent également le secteur du marché de l’art.

Dès 2018, une maison de ventes et un de ses acheteurs en ont été les victimes directes. L’adjudicataire avait procédé au paiement de la facture sur un compte bancaire frauduleux à la suite d’un courrier électronique de relance au sein duquel les coordonnées bancaires de la maison de ventes avaient été modifiées. Si, en première instance, le Tribunal de grande instance de Paris avait considéré que le paiement était libératoire pour l’acheteur, imposant à la maison de ventes d’exécuter son obligation de livraison de l’objet acquis, ce jugement a pourtant été infirmé en appel.
La juridiction du second degré a en effet relevé que la date et l’heure d’envoi du mail, un samedi à 23 heures 09, la police différente de la mention « par virement bancaire sur le compte ci-dessous » présente dans la facture, le bénéficiaire du virement différent de l’opérateur de ventes volontaires, et l’adresse de la banque inconnue du collectionneur auraient dû alerter l’acheteur. Il était donc tenu de réitérer le paiement[1], c’est-à-dire s’acquitter une nouvelle fois du montant du bordereau.

“Qui paie mal paie deux fois” 
En effet, en droit français, « qui paie mal paie deux fois ». Si cet adage n’a finalement pas intégré le Code civil, les articles 1342-2 et 1342-3 du Code civil accordent néanmoins une assise à la validité du paiement ou non par la victime de la fraude. Le premier article prévoit qu’un paiement qui n’est pas fait au bénéfice du réel créancier ou de la personne désignée pour le recevoir n’est pas libératoire. Le second article prévoit une exception pour la personne ayant procédé au paiement « de bonne foi au créancier apparent ». Ainsi, si un collectionneur procède au paiement en toute bonne foi et que le véritable créancier, c’est-à-dire le marchand (antiquaire ou galerie) ou la maison de ventes, a laissé la possibilité au tiers, le fraudeur, d’apparaître comme son mandataire, alors le créancier ne peut obtenir le paiement de la somme qui lui est pourtant due et doit exécuter son obligation, c’est-à-dire livrer la chose.
Ainsi que le révèle l’affaire rapportée précédemment, si l’appréciation par les magistrats du bénéfice de cette exception est très factuelle, la jurisprudence montre une certaine clémence lorsque l’acheteur est un particulier. Elle l’est d’autant plus si le professionnel vendeur a fait preuve d’imprudence ou de négligence en communiquant les éléments permettant la réalisation de la fraude alors que les tentatives d’hameçonnage ou l’escroquerie étaient décelables.

A titre d’illustration, une société qui a transmis des renseignement sur ses clients à un tiers se présentant comme des membres de la Direction Générale des Finances Publiques avec une adresse électronique gouv.cloud en lieu et place de gouv.fr sans qu’une telle adresse électronique ne l’alerte sur une tentative de fraude a commis une imprudence et une négligence dont a résulté l’escroquerie. Cette imprudence ou négligence justifie alors une diminution du prix que l’acheteur doit finalement payer en complément.

Du côté du collectionneur, les magistrats vont également regarder les relations entre les parties et notamment si le collectionneur avait l’habitude de procéder à des paiements sur le compte bancaire de la société, le contenu des échanges entre les parties lors de l’achat, l’adresse électronique et le contenu du courrier frauduleux ou encore si les modifications sur les factures sont décelables.

Un article écrit par Me Simon Rolin
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement des collectionneurs, galeries, antiquaires ou maisons de vente dans l'appréhension des problématiques attachées aux paiements des œuvres et objets d'art et fraudes. Que ces problématiques soient d’ordre civil, d’ordre pénal ou encore d’ordre cyber.
Notre Cabinet d’avocats accompagne des collectionneurs, galeries, maison de ventes aux enchères et marchand d’art français ou étrangers, bénéficiant d’une reconnaissance très importante par le marché et le monde de l’art ou en voie de bénéficier d’une telle reconnaissance. Nous assurons un suivi constant, qui ne se limite pas au seul domaine juridique.
Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).

[1] CA Paris, pôle 4, ch., 10, 21 déc. 2023, RG no 20/16722.