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Actualités sur le droit de l’art et de l’édition

Absence de paiement d’un auteur par un éditeur

Le Tribunal judiciaire de Paris eut récemment à connaître d’une situation bien malheureusement trop courante dans le milieu de l’édition littéraire : un auteur, ancien « prince de la cocaïne » à Paris dans les années 1980, avait cédé ses droits patrimoniaux sur les trois tomes narrant sa vie turbulente, par trois contrats d’édition distincts, signés respectivement en 2017, 2019 et 2021 avec une maison d’édition. Mais à compter de la fin de l’année 2020 pour les deux premiers tomes et de mars 2021 pour le troisième tome, l’auteur ne reçut plus aucune reddition de comptes ni de rémunération de la part de son éditeur.

L’auteur mit donc son éditeur en demeure, à plusieurs reprises, de lui adresser un relevé de ventes effectuées depuis le 31 décembre 2020 pour chacun des trois ouvrages et d’effectuer les paiements correspondants. La dernière mise en demeure, en date du 12 avril 2023, n’ayant donné aucun effet, la maison d’édition fut finalement assignée devant le Tribunal judiciaire de Paris, saisi en référé, le 23 novembre 2023. Cette procédure dite de référé consiste en une procédure d’urgence qui permet au juge de prendre des mesures provisoires. Une procédure en référé ne permet donc pas de régler définitivement le litige à la différence du procès dit au fond, qui peut se tenir postérieurement. L’objectif d’une telle procédure en référé réside donc dans la célérité de la décision à venir du Tribunal saisi. Et c’est ainsi que le Tribunal judiciaire de Paris a rendu en l’espèce sa décision le 4 avril 2024, soit dans un délai très bref, puisque de quatre mois seulement, l’audience de plaidoirie s’étant tenue au début du mois de février 2024.

Au terme de sa décision, le Tribunal condamne ainsi l’éditeur au paiement de la somme sollicitée par l’auteur, à savoir 35.204 euros. Cette condamnation offre l’occasion de rappeler quelques éléments au bénéfice de tout auteur dont les droits ne seraient pas dûment respectés.

Reddition des comptes et obligation non sérieusement contestable
Si le Tribunal a pu, dans le cadre d’une procédure menée ici en référé, prononcer une condamnation de la maison d’édition, c’est en raison du caractère incontestable du montant de la créance revendiqué par l’auteur à l’encontre de son éditeur. En effet, et conformément aux demandes répétées de l’auteur, l’éditeur lui avait finalement fait parvenir un décompte provisoire pour l’année 2021, en application de l’impératif légal de reddition des comptes. En procédant de la sorte, la maison d’édition « admet être redevable d’un décompte provisoire de 35.204 € pour l’année 2021 au titre de la rémunération due » à l’auteur selon le Tribunal. En d’autres termes, l’obligation incombant à l’éditeur, celle de payer le montant des droits, ne pouvait être considérée comme sérieusement contestable.

Or, les dispositions de l’article 835 du Code de procédure civile, visant l’une des hypothèses de compétence du Tribunal judiciaire saisi en la forme des référés, prévoient que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». Dès lors, le Tribunal ne pouvait que faire droit aux demandes de l’auteur portant sur l’année 2021, année pour laquelle l’éditeur avait fait part tout à la fois du décompte du montant total dû à l’auteur et de son engagement à en régler une partie par un premier versement.  

En revanche, pour ce qui a trait aux autres exercices comptables, dès lors qu’aucune donnée n’a été transmise par l’éditeur et qu’aucun engagement n’a été pris par ce dernier, il aurait été plus délicat pour l’auteur d’obtenir le paiement provisionnel et en référé d’une somme indéterminée. Toutefois, l’auteur aurait pu solliciter en référé, et sous astreinte, l’obtention des relevés de droits, c’est-à-dire des redditions de comptes, pour l’année 2022 et pour chaque livre concerné. Une telle demande est régulièrement formulée avant d’envisager de faire constater une éventuelle résiliation de plein droit du contrat d’édition pour inexécution fautive de la part de l’éditeur d’une ou de plusieurs obligations essentielles lui incombant. Une récente décision du Tribunal judiciaire de Paris du 20 mars 2024 permet de bénéficier d’une illustration du chemin judiciaire auquel est astreint un auteur souhaitant faire valoir ses droits en vue de bénéficier d’une rétrocession des droits patrimoniaux auparavant cédés.

Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet. 

Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition littéraire, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains, des auteurs de bande dessinée et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs. Notre Cabinet d’Avocats intervient dans la défense des droits des auteurs aussi bien en France qu’en Belgique (Bruxelles).