Condamnation d’un éditeur pour manquement à ses obligations contractuelles
Article publié le 16 avril 2024
Le Tribunal judiciaire de Paris a fait droit, le 1er mars 2024, aux revendications formées par un auteur à l’encontre d’une maison d’édition avec laquelle il avait signé deux contrats distincts concernant un seul et même livre. En l’espèce, le premier consistait en un contrat d’édition tandis que le second, postérieur d’un an, prenait la forme d’un contrat garantissant le financement de l’ouvrage en cas d’échec partiel ou total du recours au crowdfunding. Si le second contrat n’emportait finalement aucune conséquence sur la qualification du premier, il n’en demeurait pas moins que les obligations nées du contrat d’édition n’avaient pas été pleinement respectées par l’éditeur. Pareille carence devait alors donner lieu à une indemnisation au bénéfice de l’auteur.
Cette carence est brièvement résumée par le Tribunal : l’éditeur « a mis trois ans à éditer l’ouvrage litigieux, l’a fait financer largement par l’auteur, n’a rendu de comptes sur les ventes qu’après quatre ans et n’a versé à l’auteur aucune redevance sur les exemplaires vendus. Elle indique au surplus dans ses conclusions que “l’édition de l’ouvrage s’est trouvée être particulièrement fastidieuse” ». En d’autres termes, l’obligation de fabrication dans les délais contractuellement prévus n’a pas été respectée, l’obligation de reddition des comptesnon plus et aucun versement de droits d’auteur n’a eu lieu. Or, ces obligations sont le socle des obligations essentielles pesant sur le chef d’une maison d’édition dès lors qu’elles constituent la contrepartie de la cession de droits consentie par l’auteur, que ce dernier soit écrivain, scénariste ou encore dessinateur.
Une réparation accordée au montant important
Au terme de sa décision du 1er mars 2024, le Tribunal judiciaire de Paris considère ainsi que les faits reprochés à la maison d’édition « constituent chacun un manquement grave au contrat d’édition », ces manquements étant en eux-mêmes à l’origine d’un préjudice moral que le Tribunal fixe à la somme de 10.000 euros. Pareil montant semble marquer de la part de la juridiction une volonté de rééquilibrer la situation contractuelle mise en place au détriment de l’auteur. Et ce, à l’instar de la Cour d’appel de Paris qui avait pu retenir, au terme d’une décision du 18 février 2022, pour le préjudice moral subi par une autrice un montant identique, en raison de la défaillance de l’éditeur dans l’exécution d’obligations considérées comme essentielles.
En ce qui a trait au préjudice matériel, celui-ci ne correspond en l’espèce qu’au manque à gagner de l’auteur, qui n’avait perçu aucune rémunération au titre de l’exploitation de l’ouvrage, alors que les droits exigibles en exécution du contrat d’éditions’élevaient à la somme de 250,11 euros. La maison d’édition est condamnée à verser cette somme.
Une publication de la décision sur le site de l’éditeur
Par ailleurs, et à titre de réparation complémentaire, le Tribunal a décidé d’ordonner à la société d’édition de publier sur la page d’accueil de son site Internet et pendant une durée de six mois un encart placé en évidence et en caractères très apparents indiquant que « Par jugement du 1er mars 2024, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société [X] à des dommages et intérêts pour manquements graves à ses obligations au titre de l’exécution d’un contrat d’édition conclu avec M. [Y] ». Pareille condamnation vise assurément à prévenir tout auteur éventuellement intéressé par un futur projet éditorial avec la maison d’édition à passer son chemin.
Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
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