Absence de recevabilité de l’intervention du Gabon dans le litige portant sur la validité de la vente d’un masque Fang
Article publié le 6 janvier 2024
Au terme d’un jugement rendu le 19 décembre 2023, le Tribunal judiciaire d’Alès a rejeté l’intervention de la République Gabonaise, considérant celle-ci comme irrecevable, dans un litige relatif à la remise en cause de la validité de la vente d’un masque africain de première importance créé par le peuple Fang.
L’affaire du masque Fang, adjugé à 4,2 millions d’euros à Montpellier en 2022, souligne, au-delà de la question de la validité de la vente consentie entre les anciens propriétaires et un brocanteur ayant confié l’objet à la maison de ventes, la complexité des revendications qui peuvent être portées par des États tiers sur des objets auxquels ils sont géographiquement associés.
Le catalogue de la maison de ventes précisait que ce masque, avait été « collecté vers 1917 dans des circonstances inconnues, par le gouverneur colonial français René Victor Edward Maurice Fournier (1873-1937) probablement lors d’une tournée au Gabon ». Il demeura ensuite entre les mains des descendants du gouverneur colonial pendant plus de cent ans avant que leurs derniers propriétaires familiaux, un couple de retraités d’Eure et Loire possédant une maison dans le Sud de la France, ne décide de s’en dessaisir et de le vendre à un brocanteur pour la somme de 150 euros en 2021.
L’occasion d’une intervention volontaire pour l’État du Gabon
La rareté de l’exceptionnel, seule une dizaine de masques Fang ayant a priori subsisté, se conjuguant souvent avec l’engouement du marché, le prix record obtenu en salle des ventes en 2022 fit naître une contestation de la part des descendants du gouverneur colonial à l’encontre du brocanteur. Cette contestation portée judiciairement devant le Tribunal judiciaire d’Alès donna l’opportunité à la République Gabonaise de tenter de se saisir du litige pour essayer de revendiquer la propriété du masque.
C’est ainsi que la République Gabonaise était intervenue volontairement dans ce litige, notifiant ses conclusions le 16 octobre 2023, soit peu de jours avant l’audience de plaidoiries, afin de tenter de revendiquer la propriété du masque Fang, en établissant un lien direct entre cet objet et son patrimoine tant culturel qu’historique. Une telle intervention était contestée par les anciens propriétaires qui soutenaient notamment que la légitimité démocratique des autorités actuelles « pose question en raison du récent coup d’état militaire » et que la République Gabonaise « n’a aucun intérêt à agir dans la présente procédure dès lors qu’aucun lien de droit n’existe » avec le litige.
Une absence de lien suffisant entre l’intervention et la demande originaire
Conformément à l’article 325 du Code de procédure civile, une intervention est jugée recevable si elle s’avère liée aux prétentions des parties principales à l’action, c’est-à-dire si elle se rattache au litige principal par un « lien suffisant ». Cette condition vise à assurer que les interventions volontaires soient pertinentes et constructives par rapport au litige principal.
Or, selon le Tribunal, le litige principal était relatif à une action en nullité relative de la vente d’un objet qui n’est plus entre les mains des parties à la présente affaire, dès lors que le masque avait fait l’objet d’une vente aux enchères en 2023.
En d’autres termes, l’objet du litige entre les anciens propriétaires et le brocanteur portait sur une restitution du prix de la vente conclue entre eux et non sur une restitution de l’objet de la vente, c’est-à-dire du masque Fang. Par conséquent, l’action en revendication formulée par l’État du Gabon ne pouvait prospérer, faut de lien suffisant avec les revendications originaires des parties. La demande était donc irrecevable.
Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
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