Arrêt Tolix : la protection par le recours au droit des marques
Article publié le 12 janvier 2024
Anticipant la perte de protection au titre du droit d’auteur, la société Tolix avait déposé en décembre 2017 deux marques tridimensionnelles visant à poursuivre la protection de la chaise « A » et du tabouret « H ». La marque tridimensionnelle, ou marque de forme, permet de protéger la forme d’un produit ou son conditionnement au-delà de son logo. L’enregistrement de cette marque est apprécié plus sérieusement et seuls certains meubles design ont pu bénéficier de cette protection à ce jour, à l’instar de l’enceinte Bang & Olufsen reprenant la forme d’un crayon.
L’annulation des marques tridimensionnelles pour la chaise et le tabouret historique
L’annulation de la protection au titre de la marque tridimensionnelle pour ces deux meubles prononcée en première instance a été confirmée par la Cour d’appel de Paris au terme de sa décision du 29 novembre 2023. En effet, au regard du sondage réalisé par la société Tolix et malgré leur caractère d’icônes du design, ces deux produits ne parviennent pas à remplir leur fonction essentielle d’identification d’origine. Et ce, notamment car le sondage a été réalisé sur un public plus restreint que le public concerné. En outre, ce même public n’associe pas spontanément les meubles concernés à la marque Tolix. L’objectif d’identification d’origine des marques tridimensionnelles n’était donc pas rempli selon la Cour d’appel de Paris.
Par ailleurs, la marque tridimensionnelle ne doit pas avoir pour effet de contourner la limitation prévue par d’autres droits, à l’instar du droit d’auteur. Ainsi, la marque tridimensionnelle est nulle lorsqu’elle est constituée exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Il ressort du sondage réalisé par la société Tolix que le choix d’acheter la chaise et le tabouret est « dans une très large mesure, déterminé par la forme » et cette forme n’est pas associée à la société Tolix. La nullité de ces deux marques tridimensionnelles est ainsi logiquement confirmée en appel.
L’atteinte à la marque verbale « Tolix »
La société Tolix est également titulaire de la marque verbale « Tolix » protégeant les produits mobiliers. La distinctivité de cette marque n’était pas critiquée par l’importateur intimé. La commercialisation de meubles en utilisant ce signe était donc susceptible de contrefaçon. Or, l’adresse url du site Internet sous laquelle les meubles litigieux étaient indûment commercialisés incluait le terme « Tolix ». À l’occasion de recherches avec le terme « Tolix », le consommateur était donc susceptible de trouver le site Internet commercialisant les meubles litigieux et surtout de les acquérir. La contrefaçon de la marque verbale est donc caractérisée selon la Cour d’appel de Paris.
Cette décision du 29 novembre 2023 illustre ainsi la difficulté de protéger des créations une fois la protection au titre du droit d’auteur, ou des dessins et modèles, expirée. En effet, contrairement à ces modes de protection, la marque ne souffre d’aucune limitation. Une nécessaire conciliation doit être assurée entre la liberté de commerce, imposant une limite temporelle aux droits de propriété dont le droit d’auteur et le droit des marques, lequel répond à un objectif de garantie d’origine pour le consommateur.
Un article écrit par Me Simon Rolin,
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet.
Le Cabinet Alexis Fournol accompagne régulièrement des designers, des ayants droit de designer et des sociétés d’édition dans le cadre de la défense de leurs droits et de la promotion de leurs créations. Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et du marché de l’art, et plus généralement au droit d’auteur, le Cabinet assiste régulièrement des artistes et leurs héritiers confrontés à des problématiques attachées à la reprise non-autorisée de leurs œuvres, que ce soit sur le terrain du droit d’auteur ou sur celui du parasitisme. Avocats en droit de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, droit d’auteur, droit de la propriété industrielle, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).