Arrêt Tolix : sur le refus de la protection au titre du droit d’auteur
Article publié le 11 janvier 2024
La chaise « A » et le tabouret « H » de Xavier Pauchard sont entrés dans le domaine public en 2018 emportant des conséquences économiques importantes au détriment de la société éditrice et titulaire des droits sur les deux meubles depuis leur création. En effet, le monopole conféré par le droit d’auteur sur l’exploitation des droits patrimoniaux, dont les droits de reproduction et de représentation, cesse au terme de la soixante-dixième année après le décès de l’auteur. Leur protection au titre du droit d’auteur, c’est-à-dire notamment par le biais d’une action en contrefaçon, ne peut donc plus être revendiquée par la société Tolix pour empêcher la commercialisation de modèles similaires ou identiques, importés, fabriqués ou commercialisés en France.
Le tabouret avec dossier, déclinaison du tabouret historique dans le domaine public
L’atteinte au titre du droit d’auteur sur les deux créations historiques n’était donc pas sollicitée par la société. En revanche, le tabouret « HPD » avait été créé et commercialisé en 2006 par l’entreprise de design et ne souffrait pas de l’expiration des droits d’auteur. A l’occasion de la procédure, ni l’identité de l’auteur, ni la titularité des droits de cette société n’étaient débattues, l’importateur intimé se contentant de remettre en cause l’accès à la protection du tabouret avec dossier accordée par le droit d’auteur.
En effet, selon l’importateur, le tabouret « HPD » n’était que la déclinaison du modèle mythique « H » créé par le fondateur de la société Tolix et désormais dépourvue de toute protection au titre du droit d’auteur. Affirmant que cette simple déclinaison consistant en l’ajout d’un dossier ne faisait pas obstacle à sa protection, la société Tolix expliquait quant à elle qu’il s’agissait d’un nouveau modèle créé alors que le modèle « H » était encore protégé et versait au soutien des décisions ayant admis la protection de cette déclinaison au titre du droit d’auteur.
L’absence d’originalité de la déclinaison du tabouret historique
La Cour d’appel écarte avec force ces arguments en relevant que la déclinaison « HPD » ne se dégageait pas suffisamment du modèle original entré dans le domaine public. Selon les magistrats, le simple ajout d’un dossier au modèle « H » ne constituait pas une combinaison portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ainsi que l’exige la jurisprudence. En effet, pour être protégée indépendamment de l’œuvre première, l’œuvre seconde doit se dégager d’une manière suffisamment nette et significative et ses différences doivent résulter d’un effort de création. Elle doit donc être originale indépendamment des éléments de la première création ce qui, selon les magistrats, n’étaient pas le cas.
Enfin, les deux décisions de justice antérieurement rendues versées aux débats ayant admis la protection au titre du droit d’auteur avaient été rendues alors que l’accès à la protection n’avait pas été contestée en défense. Mais surtout le tabouret « H » était encore éligible à la protection pouvant être accordée par le droit d’auteur à l’époque de ces décisions. La protection admise pour la déclinaison reposait donc essentiellement sur l’originalité des éléments du tabouret historique. Ce dernier n’étant désormais plus protégé, ses éléments se retrouvant dans la déclinaison ne pouvaient être pris en compte dans la caractérisation de l’originalité. La déclinaison du tabouret créée en 2006, dont de nombreuses caractéristiques reprenaient le modèle initial tombé dans le domaine public ne pouvait donc accéder à la protection prévue par le droit d’auteur.
En revanche, à l’instar des démarches systématiques entreprises par le musée Rodin, titulaire du droit moral du sculpteur, pour interdire la réalisation de reproduction, la société Tolix pourrait tenter de solliciter les ayants droit de Xavier Pauchard, titulaires du droit moral afin qu’ils agissent sur ce fondement à ses côtés. La reproduction d’une œuvre de mauvaise qualité et dans des proportions différentes des œuvres du fondateur de Xavier Pauchard sont en effet susceptibles de porter atteinte au droit au respect de l’œuvre et leur commercialisation serait alors susceptible d’être sanctionnée judiciairement.
Un article écrit par Me Simon Rolin,
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet.
Le Cabinet Alexis Fournol accompagne régulièrement des designers, des ayants droit de designer et des sociétés d’édition dans le cadre de la défense de leurs droits et de la promotion de leurs créations. Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et du marché de l’art, et plus généralement au droit d’auteur, le Cabinet assiste régulièrement des artistes et leurs héritiers confrontés à des problématiques attachées à la reprise non-autorisée de leurs œuvres, que ce soit sur le terrain du droit d’auteur ou sur celui du parasitisme. Avocats en droit de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, droit d’auteur, droit de la propriété industrielle, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).