Miriam Cahn : fins des accrocs judiciaires sur un accrochage contesté
Pour quiconque douterait encore de la résonnance qu’une œuvre d’art peut engendrer auprès d’un public, la séquence qui vient de s’achever autour de l’exposition de l’œuvre « Fuck abstraction ! » de Miriam Cahn, dans le cadre de l’exposition Pensées sérielles qui lui est dédiée au Palais de Tokyo jusqu’au 24 mai 2023, constitue un cas d’école exemplaire. L’œuvre frontalement attaquée par quatre associations a été réalisée par l’artiste suisse pendant la guerre en Ukraine, en écho aux images dénonçant le charnier de Butcha et les nombreux crimes de guerre perpétrés par un recours au viol systématique sur des femmes et des hommes. La sexualité imposée comme arme de guerre est ainsi au cœur de cette représentation artistique.
Or, ce n’est pas tant le sujet même de l’œuvre que le traitement pictural de ce sujet qui fut violemment dénigré après un tweet de l’ancien animateur Karl Zéro présentant de manière recentrée – et donc partiale - « Fuck abstraction ! ». La publication fut vue plus de 700.000 fois en moins de vingt-quatre heures, sans replacer l’œuvre dans son contexte et sans aucune mise en perspective. Pareille médiatisation sur les réseaux sociaux, accompagnée de son lot de commentaires et d’appels au décrochage, a alors entraîné des réactions en cascade jusqu’à la saisine du Tribunal administratif de Paris en référé par l’association « Juristes pour l’enfance ». Cette dernière, à l’initiative de cette saisine, demandait à ce que l’œuvre soit retirée de l’exposition ou à tout le moins que l’accès de la salle aux mineurs soit interdit. L’association présentait en effet l’œuvre comme figurant « un enfant violé, forcé de pratiquer une fellation par un homme adulte », s’opposant ainsi à l’appréhension de l’œuvre par le Palais de Tokyo qui décrivait le personnage à genoux comme un adulte dont la taille ne serait que la métaphore de l’oppression et du crime dont elle est victime. L’association soutenait corrélativement que « Fuck abstraction ! » présentait un caractère pornographique et portait une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par le paragraphe 1er de l’article 3 de convention de New-York relative aux droits de l’enfant, en raison tant de la soi-disant représentation picturale d’un enfant contraint sexuellement que de la possibilité pour des mineurs d’accéder à une telle œuvre. Mais aussi bien le Tribunal administratif, le 28 mars 2023, que le Conseil d’État, le 14 avril 2023, ont refusé de faire droit à ces demandes.
L’intégralité de l’article est à retrouver dans l’édition française de mai 2023 de The Art Newspaper.
Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
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