Avocat pour artistes et acteurs du marché de l'art

Actualités

Actualités sur le droit de l’art et de l’édition

Du droit de connaître précisément son juge

La qualité de tribunal disciplinaire de première du Conseil des ventes vient d’être, une nouvelle fois, précisée par une récente décision de la Cour de cassation. La convocation adressée par le commissaire du Gouvernement doit nécessairement préciser les noms et qualités des membres titulaires et suppléants du Conseil susceptibles de constituer la formation disciplinaire.

Après une condamnation pénale définitive du chef d’abus de confiance, un commissaire-priseur de ventes volontaires a été poursuivi devant le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques pour avoir violé les dispositions des articles L. 321­4 et L. 321­9 du Code de commerce.

La cour d’appel de Paris, dans la lignée de la décision du Conseil, prononça une interdiction définitive d’exercer à l’encontre de la commissaire-priseur, aux termes d’un arrêt du 7 décembre 2016[1]. Devant la Cour de cassation, la commissaire-priseur suspendue soutenait que la composition du Conseil ne lui aurait pas été parfaitement communiquée au sein de la convocation adressée par le commissaire du Gouvernement. La décision d’appel est cassée au visa de l’article 16, alinéa 2, du règlement intérieur du Conseil, dans sa rédaction issue d’une décision n° 2012­803 du 21 novembre 2012, rédaction désormais remplacée par celle du 31 mars 2016[2].

À cet égard, la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes de son arrêt du 27 juin 2018, rappelle que « la convocation adressée par le commissaire du gouvernement aux personnes poursuivies précise les noms et qualités des membres titulaires et suppléants du conseil susceptibles de constituer la formation disciplinaire du conseil »[3]. Pour autant, la cour d’appel avait décidé de rejeter la demande d’annulation de la décision du Conseil en retenant que la participation d’une personne à la formation disciplinaire était régulière, dès lors que celle-ci avait été désignée non pas en tant que personnalité exerçant l’activité d’opérateur de ventes volontaires mais en qualité de personnalité qualifiée et que l’interdiction édictée par l’article L. 321­21 du code de commerce avait été respectée. Or, la Cour censure l’arrêt rendu en énonçant « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le nom et les qualités de Mme X figuraient dans la convocation du 12 novembre 2015, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

En effet, l’article L. 321­21 du Code de commerce prévoit, en son alinéa 6, que « les membres du conseil exerçant au cours de leur mandat l’activité de ventes volontaires aux enchères publiques ne participent pas aux délibérations relatives à la situation individuelle des opérateurs mentionnés aux articles L. 321­4 et L. 321­24 ». Or, pour permettre le contrôle du parfait respect de ces prescriptions et d’exercer éventuellement son droit de récusation, il est nécessaire que l’intéressé convoqué puisse connaître les noms et qualités de ceux qui seront amenés à retenir ou non sa responsabilité disciplinaire[4].

La présente décision s’inscrit dans une dynamique récente de la Cour de cassation vis-à-vis de la procédure disciplinaire du Conseil des ventes volontaires. Depuis 2014, une telle procédure a connu un profond bouleversement. Aux termes d’un arrêt du 10 septembre 2014[5], la Cour de cassation était venue préciser que le Conseil des ventes volontaires ne pouvait être partie au recours contre ses propres décisions, renversant ainsi une pratique instaurée par le décret du 19 juillet 2001, au visa de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ainsi, dans un attendu de principe particulièrement explicite, la Haute juridiction énonçait que « l’exigence d’un procès équitable, au regard des principes d’égalité des armes et d’impartialité du juge, impose qu’une juridiction disciplinaire de première instance ne soit pas partie au recours contre ses propres décisions ; que le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui prononce une sanction disciplinaire constitue une telle juridiction ».

Pour la première fois depuis sa création, le Conseil des ventes volontaires a alors été qualifié de juridiction disciplinaire de première instance, emportant nécessairement l’impossibilité d’être partie au recours, malgré l’existence d’une telle exigence dans la partie réglementaire du code de commerce. Cette solution a été, depuis lors, reprise au mot près par un arrêt de la Cour de cassation rendu le 10 septembre 2015[6]. Ainsi, en sa qualité de tribunal disciplinaire de première instance, le Conseil doit se conformer aux exigences élémentaires relatives aux droits de la défense, dont celui pour le justiciable de connaître le nom des membres de la juridiction.

Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement des opérateurs de ventes volontaires et des commissaires-priseurs tant en conseil qu'en contentieux. Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles). 

[1] CA Paris, pôle 2, ch. 1, 7 déc. 2016, RG no 16/11982.

[2] Déc. no 2016-831 du 31 mars 2016 du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques établissant son règlement intérieur.

[3] Cass. civ. 1re, 27 juin 2018, no 17-12.496, Bull. civ. I, no 673.

[4] Cette décision est à rapprocher de CA Paris, 1re ch., sect. A, 1er févr. 2005. En effet, les décisions disciplinaires du Conseil doivent comprendre l’indication nominative des membres qui ont délibéré afin de respecter le « principe essentiel selon lequel tout justiciable doit savoir qui est son juge », selon S. Thomasset-Pierre, note sous Paris, 1er févr. 2005 (2 arrêts), JCP 2006. II, p. 10091.

[5] Cass. civ. 1ère, 10 sept. 2014, no 13-21.762, Bull. civ. I, no 147.

[6] Cass. civ. 1re, 10 sept. 2015, no 14-10.111, non publié.