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Actualités sur le droit de l’art et de l’édition

Une clause-type pour s’opposer à la fouille de textes et de données par les intelligences artificielles proposée par le SNE

Article publié le 30 juin 2023

Le Syndicat National de l’Édition (SNE) a diffusé le 31 mai un modèle type de clause à intégrer dans les conditions générales d’utilisation des sites Internet des éditeurs ou, à défaut, dans leurs mentions légales afin d’éviter le moissonnage de leur contenu par les IA génératives.

Alors que l’utilisation d’œuvres protégées au titre du droit d’auteur par les intelligences artificielles ne cesse de soulever de vives inquiétudes et réactions, le Syndicat national de l'édition (SNE) a publié, le 31 mai 2023, une clause type afin de permettre à ses adhérents de s'opposer à la réutilisation de leurs données par des intelligences artificielles. Cet organisme professionnel qui fédère notamment des éditeurs de livres, de presse et de médias en ligne propose ainsi une clause devantaider les éditeurs à se prémunir contre le « risque de captation de la valeur des œuvres qu'ils éditent » et à assurer « la protection de leurs auteurs », soulignant ainsi que l’utilisation non consentie concerne aussi bien les auteurs que leurs cocontractants principaux, les éditeurs.  

Cette proposition s’inscrit dans la continuité de la directive européenne du 17 avril 2019, qui a procédé à l’introduction d’une nouvelle exception au droit d’auteur, relative aux opérations de text and data mining (TDM ou fouille de texte et de données). Une telle exception autorise ainsi la fouille de textes et de données notamment à des fins commerciales. Cette exception offre alors la faculté à tout opérateur de solutions basées sur l’intelligence artificielle de moissonner tous les contenus, dont ceux protégés par le droit d’auteur, dès lors qu’ils sont librement accessibles sur Internet. Or, ces contenus sont d’une nature particulièrement diversifiée, puisqu’il peut s’agir aussi bien des couvertures des ouvrages que de leur contenu partiellement mis à libre disposition des internautes, tels que les bonnes feuilles d’un livre à sortir, les premières pages d’une biographie ou encore un extrait d’une bande dessinée ou d’un livre d’art. Ou comment la volonté de promouvoir un ouvrage, conformément à l’obligation de promotion attachée au contrat d’édition, peut emporter de néfastes conséquences tant pour l’éditeur que pour l’auteur.

Transposition en droit interne de l’exception
Exception européenne au droit d’auteur, celle-ci est devenue une exception nationale par sa transposition en France par l’ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 et sa consécration à l’article L. 122-5-3 du Code de la propriété intellectuelle. Le texte de l’ordonnance précisait alors que la fouille de textes et données ne pouvait faire l’opposition des titulaires de droit d'auteur, dès lors qu’elle est effectuée « aux seules fins de la recherche scientifique par les organismes de recherche, les bibliothèques accessibles au public, les musées, les services d’archives ou les institutions dépositaires du patrimoine cinématographique, audiovisuel ou sonore ». De la même manière, la Belgique a également transposé cette exception à l’article XI.190, 20° du Code de droit économique.

Possibilité d’exprimer un refus du moissonnage par l’opt out
Toutefois, cette nouvelle exception au droit d’auteur est assortie d’une faculté pour les ayants droit de s’opposer expressément à cette fouille de textes et de données par le biais d’un mécanisme dit d’« opt out ». Le décret n° 2022-928 pris en France en date du 23 juin 2022 a précisé que cet « opt out » n’a pas à être motivé et peut être exprimé par tout moyen. Et l’article R. 122-28 du Code de la propriété intellectuelle précise que « le recours à des conditions générales d’utilisation d’un site internet » est un exemplede mode d’expression approprié. Ainsi, si la recherche publique peut bénéficier par principe de l’exception, toute utilisation privée peut être limitée par les ayants droit, qu’ils titulaires originaires (auteurs) ou titulaires dérivés (éditeurs) des droits sur le contenu protégé par le droit d’auteur.  

La clause type du SNE
La clause proposée par le SNE s’appuie donc sur les dispositions réglementaires françaises afin de proposer l’exercice de l’opt out par les conditions générales du site Internet ou par le biais des mentions légales. Cette clause se déploie autour de deux articles : le premier réaffirme l’existence de droits de propriété intellectuelle et le second exprime l’opposition de l’éditeur aux opérations de moissonnage. Étant précisé qu’un nouveau découpage est opéré entre l’expression du refus de TDM et la justification des modalités de cette expression.

Par ailleurs, la clause proposée vient en complément ou plutôt au secours de l’absence d’usage de métadonnées sur le contenu concerné, un tel usage étant assurément d’une efficience supérieure. C’est ainsi que le SNE recommande l’insertion d’une telle clause sur le site Internet de l’éditeur en complément de l’utilisation de métadonnées qui exprimeraient l’opt out selon les nouveaux standards développés par l’EDRLab (Laboratoire de recherche français sur la lecture numérique) et diffusés par le World Wide Web Consortium (W3C, principal organisme développant les standards du Web).

La clause du SNE est disponible sur ce lien.

La préférence à donner à l’opt in
La solution proposée par le SNE est le résultat de l’état actuel du droit et une manière de tenter de limiter les effets d’un moissonnage à grande échelle. C’est pourquoi, de très nombreux représentants des titulaires de droits se prononcent pour la mise en œuvre d’un système d’opt in plutôt que d’opt out. C’est ainsi que des propositions ont pu être récemment formulées par l’Adagp, société française de perception et de répartition des droits des auteurs qui compte parmi ses adhérents nombre d’auteurs de bande dessinée et d’illustrateurs, d’évoluer vers un système d’opt in dans lequel seules les œuvres dont les auteurs ont expressément autorisé la fouille de données puissent servir à entraîner et alimenter les intelligences artificielles sous réserve d’une compensation équitable due à l’auteur[1].

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet. 

Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs. Notre Cabinet d’Avocats intervient dans la défense des droits des auteurs aussi bien en France qu’en Belgique.

[1] Adagp, IA et droit d’auteur : l’Adagp en appelle à une régulation sur trois points, 23 mai 2023.