La reddition de comptes en France et en Belgique (2/2)
Il a été précédemment fait état du contenu de la reddition des comptes due par l’éditeur à l’auteur. Cette obligation légale imposée à l’éditeur, tant en France qu’en Belgique, a pour objectif de délivrer à l’auteur des informations tenant à l’exploitation de son œuvre dans le cadre du contrat d’édition.
Les modalités de la reddition des comptes
Alors que le Code de droit économique belge est silencieux quant aux modalités de cette reddition de comptes due à l’auteur, le Code de la propriété intellectuelle précise que « l’éditeur adresse à l’auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique »[1] la reddition de comptes. Ainsi, ce document informatif peut être adressé à l’auteur par différents biais et moyens. Corollaire d’une telle obligation, celle de fournir l’ensemble des justificatifs permettant à l’auteur d’établir l’exactitude des comptes pèse également sur l’éditeur[2]. À défaut d’exécution spontanée, ce dernier peut y être contraint par le juge[3].
La périodicité de la reddition des comptes
À défaut de dispositions contractuelles davantage protectrices, la loi française imposait à l’éditeur de rendre compte « au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes »[4]. L’Accord interprofessionnel du 20 décembre 2022 entre le Syndicat National de l’Édition et des syndicats d’auteurs renforce l’obligation due par l’éditeur, en lui imposant une reddition de comptes dorénavant a minima semestrielle. Une telle obligation doit être mise en œuvre au plus tard dans les cinq ans suivant la signature de l’accord, soit au 20 décembre 2027. Une telle reddition semestrielle dans le domaine de l’édition d’ouvrages tend à se rapprocher des usages en matière de bandes dessinées. En droit belge, l’obligation de reddition de comptes doit intervenir « après que l’exploitation concernée a eu lieu, régulièrement, et au minimum une fois par an »[5]. Il est notable de relever que l’alinéa deux de l’ancien article XI.198 du Code de droit économique, octroyant une dispense à l’éditeur dans le cas de l’absence d’exploitation de l’œuvre pendant cinq années consécutives, n’a pas été réintégré au sein du nouvel article.
Quelles sanctions en cas de manquements ?
Le droit français pose une série de sanctions en cas de manquements à cette obligation au sein de l’article L. 132-17-3 du Code de la propriété intellectuelle. En effet, le manquement à cette obligation offre à l’auteur, dans un délai de six mois à compter dudit manquement, la possibilité de mettre en demeure l’éditeur de satisfaire à cette obligation dans un délai de trois mois. À défaut du respect d’une telle obligation dans le délai imparti, le contrat est résilié de plein droit. C’est sur ce fondement que la Cour d’appel de Paris a récemment constaté la résiliation de plein droit d’un contrat d’édition, ainsi que de tout avenant, considérant qu’il existait des incohérences et des manquements aux exigences légales de reddition des comptes[6].
Par ailleurs, lorsque l’auteur a été contraint de mettre en demeure l’éditeur au cours de deux exercices successifs afin que celui-ci lui délivre une reddition de comptes, le contrat « est résilié de plein droit trois mois après la seconde mise en demeure ». Cette formulation s’avère imprécise, celle-ci n’évoquant aucunement le cas dans lequel l’éditeur procède à la reddition de comptes.
En tout état de cause, l’absence de reddition de comptes, même en l’absence de mise en demeure préalable de l’auteur, constitue un manquement légal et contractuel aux obligations de l’éditeur. Tel est également le cas en droit belge, pour lequel aucune sanction n’est expressément indiquée.
La reddition de comptes a pour corollaire le règlement des droits de l’auteur, justifiant ainsi pleinement les exigences imposées par la loi à tout éditeur. En tout état de cause, il apparaît opportun de préciser les modalités d’une telle reddition de comptes au sein du contrat d’édition. Faisant suite à une évolution en la matière, et se rapprochant d’autres pays tels que le Royaume-Uni, un projet de plateforme permettant un suivi en temps réel des ventes d’ouvrages comportant un espace dédié pour les auteurs et les éditeurs devrait voir le jour en 2024. Ce projet intitulé aujourd’hui Booktracking a émergé en 2019 afin de parvenir à une meilleure gestion des invendus et de délivrer un état précis des ventes aux auteurs.
Un article écrit par Me Adélie Denambride
Avocat Collaborateur
Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains, des auteurs de bande dessinée et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs. Notre Cabinet d’Avocats intervient dans la défense des droits des auteurs aussi bien en France qu’en Belgique (Bruxelles).
[1] Code de la propriété intellectuelle, article L. 132-17-3.
[2] Code de la propriété intellectuelle, article L. 132-14, premier alinéa.
[3] Code de la propriété intellectuelle, article L. 132-14, second alinéa.
[4] Code de la propriété intellectuelle, article L. 132-17-3.
[5] Code de droit économique belge, article XI.167/2, premier alinéa.
[6] CA Paris, 1er févr., 2023, RG no 21/07310.