Une réforme de la procédure disciplinaire des commissaires de justice
À la suite de la réforme des professions juridiques réglementées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron », la commission des Lois avait confié à deux députés une mission d’information flash relative à la déontologie des officiers publics et ministériels. Ces professions (notaires, huissiers, commissaires-priseurs, avocats aux conseils, greffiers des tribunaux de commerce), indispensables au bon fonctionnement de la justice française, étaient soumises à des mécanismes d’autorégulation, sous le contrôle des procureurs de la République. Au terme du rapport rendu par les deux députés, l’inutile diversité et complexité des régimes disciplinaires de ces professions était pointée, ainsi que le traitement insatisfaisant des réclamations des usagers et certaines insuffisances du contrôle disciplinaire.
C’est pourquoi une ordonnance du 13 avril 2022 fut ainsi prise en application de l’article 41 de la loi no 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire. L’objectif affiché de cette réforme visait à simplifier le cadre juridique de la discipline des officiers ministériels et de le rendre plus lisible et plus efficace. La surveillance des officiers publics et ministériels est dorénavant confiée au procureur général, à l’exception des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation compte tenu de leur statut spécifique et de leur rôle auprès de ces juridictions placées au sommet des deux ordres de juridictions.
La loi crée de nouvelles juridictions disciplinaires qui seront présidées par un magistrat et qui disposeront de services d’enquêtes indépendants. Elle modernise l’échelle des peines que les juridictions pourront prononcer en créant notamment une nouvelle sanction d’amende disciplinaire.
Par ailleurs, la loi réorganise le traitement des réclamations à l’encontre d’un professionnel afin d’assurer une meilleure information et protection du public tout en favorisant la résolution amiable des différends grâce à la généralisation d’une procédure de conciliation préalable. Elle investit enfin les instances de la profession de pouvoirs préventifs destinés à mettre en conformité l'action du professionnel avec ses obligations. Ainsi, le décret no 2022-545 du 13 avril 2022 définit l’organisation, les missions et le fonctionnement des collèges de déontologie notamment pour la nouvelle profession de commissaire de justice, née de la fusion au 1er juillet 2022 des anciens commissaires-priseurs judiciaires et des huissiers de justice.
Depuis lors, un décret no 2022-900 du 17 juin 2022 est venu préciser le cadre mis en place et tente d’opérer une nouvelle fois avec une visée de cohérence entre les divers officiers ministériels, cette cohérence étant ancienne, à l’instar des dispositions respectives attachées à la déontologie.
Un futur code de déontologie
Parmi les innovations majeures, un code de déontologie devra être mis en œuvre pour les commissaires de justice. Ce code doit énoncer les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions. Il est, enfin, précisé que pour les officiers publics et ministériels, un tel code sera approuvé par arrêté du garde des sceaux, à l’instar du Recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires. Ainsi, au-delà de la forme de ce code, son contenu et ses effets sont proches de celui qui s’impose d’ores et déjà aux opérateurs de ventes volontaires.
Un engagement de la responsabilité disciplinaire conservé
L’article 7 de l’ordonnance no 2022-544 du 13 avril 2022 vient préciser les conditions de l’engagement de la discipline des commissaires de justice. Ainsi, et fort classiquement, toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constituent un manquement disciplinaire.
Le triptyque qui prévaut en matière disciplinaire, sur les modalités d’engagement (lois, règlements, obligations professionnelles) est ici repris. De la même manière, des faits commis en dehors de l’exercice professionnel peuvent toujours donner lieu à l’engagement disciplinaire de l’officier public et ministériel qu’est le commissaire de justice, à l’instar de ce qui prévalait déjà pour les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice.
Enfin, ledit article précise que le professionnel ayant cessé d’exercer, quelle qu’en soit la cause, y compris s’il est regardé démissionnaire d’office, peut être poursuivi et sanctionné si les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu’il était encore en exercice. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l’office quelle que soit la peine infligée.
Une diversité de saisine
L’auteur de la réclamation – également dénommé le requérant – pourra saisir directement la juridiction disciplinaire, sous réserve de nombreux filtres dont l’efficacité ne pourra être appréciée que dans la mise en œuvre concrète de cette réforme. Ainsi, et à défaut de saisir le procureur général, le requérant pourra saisir l’autorité compétente, puis – à défaut de conciliation ou de renvoi par cette autorité – le service d’enquête, avant de solliciter la juridiction disciplinaire de premier degré. Une cour nationale d’appel est désormais créée, en lieu et place de la saisine de la cour d’appel du ressort juridictionnel compétent.
Si l’esprit initial de la réforme résidait dans une simplification de la procédure, il n’en apparaît pas moins à la lecture des divers textes venant régime cette procédure que la complexité est en réalité de mise tant pour les professionnels poursuivis que pour les requérants.
Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, Cabinet accompagne des commissaires-priseurs, anciennement ou nouvellement installés, et suit avec une attention toute particulière les réformes et évolutions de la profession. Le Cabinet conseille également, en lien avec des professionnels du droit et du chiffre, les commissaires-priseurs souhaitant reprendre des études existantes, créer de nouvelles études ou s’associer avec d’autres professions, notamment avec des huissiers de justice dans la continuité de l’esprit de la réforme opérée par la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Le Cabinet accompagne également les professionnels concernés, notamment les opérateurs de ventes volontaires, commissaires-priseur et commissaires de justice, dans toute action disciplinaire qui peut être intentée à leur encontre.
Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).