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Nomination en appel d’un expert judiciaire pour déterminer l’authenticité d’une œuvre

L’adjudicataire d’une œuvre présentée au sein du catalogue de vente comme étant de la main d’Otto Wols avait tenté vainement de voir la vente judiciairement annulée devant le Tribunal judiciaire de Paris. C’est pourquoi, et à l’occasion de la déclaration d’appel formée à l’encontre de la décision du 21 septembre 2021, l’adjudicataire notifia des conclusions d’incident en vue de faire nommer un expert judiciaire afin que celui-ci se prononce sur l’authenticité de l’œuvre présentée en 2016 au feu des enchères, demande rejetée pourtant en première instance par le Tribunal judiciaire.
L’œuvre en litige, attribuée à celui qui est régulièrement présenté comme l’inventeur du « tachisme », pendant européen de l’Action Painting américain de Jackson Pollock, avait été décrite comme « Otto Wols (GER/1913-1951) Sans titre, ca. 1949 Aquarelle, encre et crayon sur papier 32 x 25 Signée en bas à droite » et adjugée à 18.404 euros hors frais acheteur.
L’adjudicataire avait préalablement fait expertiser le dessin litigieux par l’expert de l’œuvre de l’artiste, lequel avait alors conclu sans ambiguïté qu’il ne s’agissait pas d’une œuvre authentique d’Otto Wols. Pareille conclusion et demande de nomination d’un expert judiciaire étaient contestées par la vendeuse de l’œuvre. Celle-ci arguait du fait que les propres éléments de preuve qu’elle avait soumis étaient suffisants pour attester de l’authenticité de l’œuvre qui avait été donnée par l’artiste à son beau-père en 1949. De la même manière, elle faisait valoir le caractère non sérieux ni opposable de l’expertise privée non contradictoire du spécialiste, tout en relevant que ladite expertise confirmait toutefois que l’œuvre litigieuse n’était pas une copie d’une œuvre authentique connue.

La nécessaire justification de la mesure d’expertise sollicitée
Mais pour les magistrats de la cour d’appel ces éléments ne sauraient suffire à s’opposer à la demande de nomination d’un expert judiciaire en appel. En effet, si la vendeuse contestait les conditions de réalisation et la portée de l’expertise privée réalisée par le spécialiste de l’œuvre d’Otto Wols, elle ne lui déniait toutefois pas cette qualité de spécialiste. Corrélativement, l’adjudicataire justifiait donc – par la production d’une expertise tierce, même de nature privée – qu’un doute pourrait exister quant à l’attribution sans contestation de l’œuvre à l’artiste. Un tel doute, lorsqu’il est dûment justifié peut permettre la nomination d’un expert judiciaire ; s’il ne l’est pas, les juridictions ont vocation à rejeter une telle demande.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris, en date du 18 octobre 2022, retient que « ces éléments justifient le prononcé d’une mesure d’expertise judiciaire, réalisée de manière contradictoire et dans les règles de l’art, afin d’éclairer la cour qui aura à connaître du fond du litige ayant trait à l’authenticité de l’œuvre »[1].

Une demande plus aisément accueillie en appel
La présente demande de nomination d’un expert judiciaire avait pourtant été rejetée en première instance par Tribunal judiciaire de Paris. Le Tribunal avait alors retenu qu’une expertise émanant du spécialiste faisant autorité sur l’œuvre d’Otto Wols ne saurait suffire à établir un doute réel et sérieux, dès lors qu’elle s’avérait non contradictoire et sollicitée par le seul requérant. Selon le Tribunal, pareille expertise de partie constitue seulement un commencement de preuve par écrit non corroboré ou complété par des éléments extérieurs.
Au contraire, plusieurs illustrations jurisprudentielles récentes dénotent une appréciation différenciée du doute, accueilli bien plus aisément par les cours que par les tribunaux. La persévérance en cause d’appel de la part de celui qui souhaite voir débattue judiciairement l’authenticité d’une oeuvre peut ainsi permettre de mettre en oeuvre une telle procédure.
De la même manière, une demande visant à voir nommer un expert judiciaire pour la première fois en cause d’appel ne saurait, à notre sens, s’analyser en une demande nouvelle, dès lors qu’elle participe aux mêmes finalités que la demande initiale visant à obtenir la nullité de la vente volontaires aux enchères publiques.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédié au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet accompagne régulièrement des collectionneurs et des maisons de ventes, ainsi que des experts, dans les nécessaires opérations d’expertise d’œuvres ou d’objets dont l’attribution ou l’authenticité est judiciairement remise en cause. Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).

[1] CA Paris, pôle 4, ch. 13, 18 oct. 2022, RG no 21/19943.