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Différence de finalités entre l’action en contrefaçon et l’action en parasitisme

Il advient parfois qu’assuré de la portée de ses droits, un auteur décide de ne fonder son action judiciaire que sur le seul terrain du droit d’auteur et non, de manière subsidiaire et potentiellement complémentaire, sur celui de la concurrence déloyale et plus précisément du parasitisme. Un tel choix procédural peut s’avérer lourd de conséquences. En effet, si l’auteur qui vise à faire condamner la reprise non-autorisée d’une ou de plusieurs de ses créations voit sa demande en contrefaçon rejetée en première instance, il peut avoir alors la velléité de solliciter en appel la condamnation de la partie adverse sur le terrain du parasitisme. Mais mal lui en aura pris, car cette demande est trop tardivement formulée.

Dans l’espèce soumise à la Cour d’appel de Paris[1], un photographe reprochait à une société tierce d’avoir réutilisé un cliché en prise de vue aérienne représentant un paysage côtier situé en Nouvelle-Calédonie. Ce reproche n’avait été fondé, en vain, que sur le seul terrain du droit d’auteur en première instance. Le photographe tenta alors en appel de solliciter, à titre subsidiaire, la condamnation de la société sur le fondement complémentaire du parasitisme.

Or, et conformément aux articles 564 et 565 du Code de procédure civile, toute demande nouvelle en cause d’appel doit être déclarée irrecevable, et donc écartée, ce même d’office. Une prétention ne saurait être considérée comme nouvelle si elle tend aux mêmes fins que les prétentions soumises au premier juge, même si le fondement juridique mobilisé est différent.

Mais pour la Cour d’appel de Paris, « l'action en contrefaçon vise à sanctionner l'atteinte à un droit privatif alors que l'action en concurrence déloyale repose sur l'existence d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil ». Dès lors, la demande additionnelle, relative à des agissements parasitaires qui auraient eu pour effet de causer un préjudice au photographe, présentée pour la première fois en appel ne tend pas aux mêmes fins que la demande en contrefaçon de droit d'auteur formée devant les premiers juges et est donc nouvelle. La décision rendue le 2 novembre 2022 écarte alors logiquement, et ici d’office, cette demande. En effet, ces nouvelles demandes en cause d’appel n’étaient « pas davantage l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes formulées en première instance et ne sont pas liées à la survenance ou la révélation d'un fait nouveau ».

La problématique de l’éventuelle identité ou différence de fins des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale, et corrélativement de la recevabilité en appel de l'une, lorsque l'autre a été seule invoquée en première instance n’est aucunement inédite. Et la Cour de cassation a eu régulièrement à se prononcer sur cette problématique en raison d’une réticence de certains juges du fond. Pour autant, il est dorénavant bien établi que la demande fondée seulement sur la contrefaçon en première instance ne comprend pas, même de manière implicite, le grief de concurrence déloyale[2]. De la même manière, la demande fondée seulement sur l’action en concurrence déloyale ne comprend pas, même de manière implicite, le grief de l'action en contrefaçon[3]. En effet, et comme a pu le retenir la Cour d’appel de Versailles le 22 mars 2022, l’action menée au titre du parasitisme ne saurait être considérée comme une action de « repli », dans la mesure où celle-ci poursuit un intérêt distinct de celui de la contrefaçon. Et c’est bien pour une telle raison que des mêmes faits ne peuvent être sanctionnés à la fois sur le terrain de la contrefaçon et sur celui de la concurrence déloyale.

Débouté sur le volet de la contrefaçon de son action, le photographe ne put ainsi tenter de faire condamner la société ayant repris en couverture de son magazine la photographie litigieuse sur le fondement du parasitisme, fondement pourtant souvent d’un grand secours.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.   

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement les artistes confrontés à des problématiques attachées à la reprise non-autorisée de leurs œuvres, que ce soit sur le terrain du droit d’auteur ou sur celui du parasitisme.

[1] CA Paris, pôle 5, ch. 1, 2 nov. 2022, RG no 20/10036.

[2] Cass. com., 4 janv. 1984, Bull. civ. IV, no 8.

[3] Cass. com., 10 juill. 2012, no 11-20.325.