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Actualités sur le droit de l’art et de l’édition

Contrefaçon du titre d’une chanson reprise comme sous-titre d’un livre

La brièveté d’une œuvre ne fait aucunement obstacle à son éventuelle protection par le droit d’auteur. Le titre d’une œuvre bénéficie même d’une attention particulière du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose en son article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle que « Le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même ». Cette protection peut être accordée quelle que soit l’œuvre à laquelle se rapporte le titre, qu’il s’agisse d’un ouvrage littéraire, d’une œuvre relevant des arts plastiques ou encore d’une œuvre musicale. C’est cette troisième hypothèse qui était au cœur du présent litige. En effet, en 2010, une maison d’édition procédait à la publication d’une biographie consacrée au chanteur Jean Ferrat, dont le titre était Je ne chante pas pour passer le temps, reprenant ainsi l’une des chansons d’un des auteurs les plus engagés et populaires de sa génération. La société́ Productions Alléluia, titulaire des droits patrimoniaux du chanteur, ainsi que l’exécuteur testamentaire de ce dernier ont alors assigné en justice la maison d’édition en raison de la contrefaçon potentiellement opérée des droits patrimoniaux et du droit moral de l’artiste. Le champ de l’assignation était double : la reproduction non-autorisée de très nombreux extraits de chansons et l’utilisation non-autorisée du titre de l’une d’entre elles afin d’intituler l’ouvrage.

Les requérants furent déboutés en première instance, hormis sur la contrefaçon attachée à l’utilisation du titre d’une des chansons de Jean Ferrat comme sous-titre de la biographie, et interjetèrent alors appel. Or, la cour d’appel de Paris vient de confirmer, le 12 janvier 2021, l’originalité du titre de la chanson et, corrélativement, l’existence d’une contrefaçon au regard de son utilisation comme sous-titre de l’ouvrage. Cet arrêt conforte l’accueil bienveillant de la juridiction parisienne des titres au bénéfice de la protection par le droit d’auteur, à l’instar de l’arrêt « Mémoires Fauves » rendu le 19 avril 2019.    

L’éditeur de l’ouvrage contestait classiquement l’originalité́ du titre de la chanson de Jean Ferrat en arguant qu’un tel titre ne témoignerait d’aucune créativité́ et ne porterait pas l’empreinte de la personnalité́ du chanteur. En effet, selon l’éditeur, le titre ne faisait que reprendre, en le mettant simplement à la forme négative, le titre d’un célèbre poème de Louis Aragon, poète auquel Ferrat rendit constamment hommage durant sa carrière. Tel ne fut pas l’avis de la cour d’appel qui retient que « C’est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a reconnu l’originalité́ du titre Je ne chante pas pour passer le temps, retenant notamment qu’il ne s’agit pas seulement d’une mise en négation du titre du poème de Louis Aragon, mais de son détournement afin de passer du registre de la poésie, du divertissement et de la nostalgie du passé à celui de l’engagement politique et militant dans le présent, ce détournement portant l’empreinte de la personnalité́ de Jean Ferrat ». Bien que la caractérisation opérée par les magistrats semble davantage se concentrer sur l’intention de l’auteur – ici l’engagement politique – que sur les éléments constitutifs de l’originalité du titre, la présente décision rappelle que la brièveté naturelle du titre n’emporte pas, par principe, une impossibilité d’accès à la qualification d’œuvre de l’esprit.

Et à défaut de contestation de la matérialité de la reproduction sans autorisation du titre dont la protection a été consacrée, la juridiction alloue à la société Productions Alléluia la somme de 5.000 euros en raison de la contrefaçon opérée. En revanche, les mesures d’interdiction formulées à l’encontre de l’ouvrage sont rejetées au regard de l’ancienneté des faits et du retrait du sous-titre par la maison d’édition.

Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

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