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Les jeux vidéo peuvent reproduire les tatouages des basketteurs NBA

Les fans inconditionnels de basket et du jeu vidéo NBA 2K vont pouvoir jouer avec encore plus de réalisme, puisque les représentations virtuelles de leurs idoles retrouveront bientôt leurs tatouages. La District Court de New-York vient en effet de rejeter l’action en contrefaçon de la société Solid Oak Sketch, gérant les droits de reproduction de plusieurs tatoueurs dont celui de Lebron James, contre les éditeurs du jeu vidéo Take-Two Interactive Software Inc et 2K Games Inc[1].

Les tatouages susceptibles de protection au titre du droit d’auteur
La justice américaine avait été saisie en 2016 par la société Solid Oak Sketche qui reprochait aux éditeurs du jeu vidéo d’avoir reproduit à l’identique huit tatouages dont trois de la star des Los Angeles Lakers, Lebron James. Ce dernier avait notamment soutenu les éditeurs du jeu en déclarant qu’il avait toujours pensé avoir le droit d’accorder des licences d’exploitation de son image et ce, pour toutes sortes de produits dérivés. Néanmoins, ces tatouages sont susceptibles d’être protégés par le Copyright Act de 2014, dès lors qu’ils relèvent des créations protégeables selon la liste établie par le Copyright Act, sous réserve néanmoins qu’ils soient originaux et fassent l’objet d’une fixation sur un support tangible.

Or, le tatouage peut aisément être défini comme un dessin ou une gravure qui est fixé sur le corps du tatoué, soit sur un support tangible. La première et la dernière condition ne faisaient ainsi pas débat. En revanche, concernant l’appréciation de l’originalité des créations, chaque tatouage doit faire l’objet d’une appréciation distincte. À cet égard, il est certain que si les tatouages représentaient des idéogrammes chinois ou de simples formes géométriques, le tatoueur n’aurait fait œuvre d’aucune créativité. Le bénéfice de la protection prévue par le Copyright Act serait alors rejeté. Dans l’affaire ici commentée, les huit tatouages ont été considérés comme originaux et, dès lors, protégés par le droit d’auteur. Ainsi, leur reproduction virtuelle au sein du jeu vidéo NBA 2K constituait une contrefaçon. Néanmoins, et afin d’échapper à une lourde condamnation, les éditeurs du jeu vidéo litigieux ont soulevé deux exceptions au droit d’auteur : l’application du De Minimis Use et le Fair Use.

Le bénéfice des exceptions De Minimis Use et Fair Use
L’exception De Minimis Use permet au contrefacteur d’échapper à toute condamnation lorsqu’il prouve que la reproduction est « minime », c’est-à-dire non substantielle ou encore « accessoire » au regard des critères de l’exception française. Dans leur appréciation les tribunaux tiennent compte de l’étendue de l’emprunt ainsi que de son accessibilité au public (visibilité). La juridiction a donné raison aux éditeurs du jeu vidéo en relevant que les tatouages ne concernaient que trois joueurs sur plus de quatre-cents, qu’ils ne pouvaient être observés pendant les matchs et, quand ils pouvaient l’être, n’étaient pas reproduits avec des détails suffisants pour être identifiés.

L’exception du Fair Use invite, quant à elle, à apprécier le but et le caractère de l’usage de la création, puis la nature de l’œuvre protégée, le volume et l’importance de la reproduction utilisée par rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée et, enfin, l’incidence de l’usage sur le marché potentiel de l’œuvre protégée ou sur sa valeur. Dans son analyse, la cour a relevé que les tatouages n’étaient pas présentés dans leur forme originale et qu’ils ne représentaient qu’une part infime des données du jeu (de 0,000286 % à 0,000431 %). En outre, les tatouages avaient déjà été divulgués et s’inspiraient pour certains d’œuvres préexistantes. Par ailleurs, les reproductions de ces tatouages avaient pour objectif de recréer l’expérience la plus réaliste possible pour les joueurs et les fans de NBA. Enfin, ces reproductions ne privaient nullement les requérants d’un quelconque marché, ces derniers ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un potentiel marché de licence de tatouages aux éditeurs de jeux vidéo. En accueillant ainsi les arguments des défendeurs, la cour conclut au rejet des demandes formées par la société Solid Oak Sketches.

Une décision faisant écho en France 
En France également, les juridictions eurent à trancher une affaire opposant le tatoueur surnommé « Santiag » à la maison de disque de Johnny Halliday, à propos du tatouage représentant une tête d’aigle au-dessus d’une plume sur le bras droit du chanteur. Les deux parties ne contestaient pas pour autant l’originalité du tatouage, qui s’avérait donc de facto protégé par le droit d’auteur. Dans cette affaire, si la Cour a décidé de rejeter l’action en contrefaçon du tatoueur, c’est en raison de la présence de l’œuvre sur une photographie du rockeur rendant le tatouage « visible nécessairement mais de façon accessoire ». En revanche, la cour condamna la maison de disque pour la reproduction sans autorisation du dessin du tatouage sur des jaquettes de CD, des publicités et des tee-shirts[2].

En somme, si le tatouage apparaît de manière accessoire, c’est-à-dire qu’il ne constitue pas le sujet principal d’une reproduction, une telle reproduction n’est pas contrefaisante. En revanche, si le tatouage est reproduit sur un cliché ou un film de manière principale, l’autorisation du tatoueur est indispensable et en cas contraire celui-ci peut obtenir un dédommagement.

Article écrit par Me Simon Rolin, Avocat Collaborateur

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste les artistes et auteurs dans la défense de leurs droits, notamment à l’occasion d’actions en contrefaçon.

[1] District court, Southern District of New York, Solid Oak Sketches, LLC v 2K Games, Inc and Take-Two Interactive Software, Inc, March 26th, 2020, no 116-CV-724LTS-SDA.

[2] CA Paris, 3 juill. 1998, no 97/00183, Sté Polygram c/ Daures, Jurisdata no 1998-022806.