Artiste : les bons réflexes à avoir en cas de difficultés économiques de sa galerie
Face aux difficultés économiques actuellement rencontrées par de nombreuses galeries, les artistes doivent être particulièrement vigilants et adopter un certain nombre de réflexes en fonction de l’évolution de la situation juridique de leur partenaire. Ces réflexes visent à éviter que leurs œuvres ne soient retenues trop longtemps ou même vendues sans leur accord et à tenter, en cas de faillite de la galerie, à être payés des ventes passées.
Dans une très récente enquête menée par le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) sur les conséquences du confinement et de la crise économique actuelle dus au Covid-19, sans soutien des pouvoirs publics, un tiers des galeries membres pourraient être forcées de cesser leur activité au second semestre 2020. Les galeries étant principalement des petites structures fragilisées par la fermeture de leur espace et par l’annulation des foires et de la fashion week dans une période normalement propices aux affaires.
Or, la fermeture d’une galerie entraîne nécessairement des graves répercussions au détriment des artistes représentés. Au-delà de la cessation d’une relation de confiance et de la promotion de son travail, l’artiste sera confronté malgré lui à un processus judiciaire qui peut paraître bien délicat à comprendre.
En effet, la fermeture d’une galerie emporte l’ouverture d’une procédure collective qui place l’entreprise en difficulté sous contrôle judiciaire pour organiser le règlement de ses dettes. Cette procédure fonctionne par étapes afin de permettre à la société d’assainir ses comptes et d’envisager une poursuite de son activité une fois sa situation économique rétablie, sans pour autant garantir à un artiste peu vigilant le plein respect de ses droits.
Ainsi, l’artiste doit être vigilant lors de cette procédure afin de s’assurer du paiement des œuvres vendues par la galerie mais non encore été réglées et du retour des œuvres qui confiées en vue de leur vente.
La différence entre la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire
Ma galerie est en faillite. Que cela signifie-t-il ?
La galerie peut choisir d’avoir recours à la procédure dite de sauvegarde lorsqu’elle rencontre des difficultés financières mais qu’elle n’est pas encore en état de cessation des paiements, c’est-à-dire qu’elle peut encore honorer ses dettes, notamment vis-à-vis des artistes. L’objectif poursuivi est alors de faciliter sa réorganisation économique afin de lui permettre de maintenir son activité et ainsi de pouvoir continuer à présenter les œuvres de l’artiste et à défendre son travail. Dans le cadre de cette procédure, un mandataire judiciaire peut être désigné.
Lorsque la galerie est en état de cessation des paiements (dépôt de bilan), elle a alors pour obligation de solliciter l’ouverture d’une procédure judiciaire. Cette procédure est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise et l’apurement du passif, soit des dettes de la galerie. L’ouverture de cette procédure entraîne la désignation d’un mandataire judiciaire et, éventuellement, un administrateur afin d’administrer tout ou partie de l’entreprise.
C’est cet administrateur judiciaire qui devient alors l’interlocuteur privilégié de l’artiste, et non plus sa galerie, dans tous les aspects concernant jusqu’à présent la relation entretenue avec la galerie (stockage des œuvres, représentation de l’artiste, vente de ses créations, etc.).
Si la santé économique de la galerie n’est toujours pas stabilisée, une nouvelle procédure, dite de liquidation judiciaire, est alors mise en œuvre et aboutira à la disparition de la société. Les galeries étant des acteurs économiques souvent fragiles, il n’est pas rare que la procédure de liquidation intervienne très rapidement une fois les premières difficultés économiques rencontrées.
Les conséquences de l’ouverture de la procédure collective
Quelles sont les conséquences d’une procédure collective pour une galerie ?
Une fois l’ouverture de la procédure de redressement prononcée, toutes les dettes sont gelées et la société entre dans une période d’observation. Cette période doit en principe déboucher sur un plan de sauvegarde permettant d’étaler le remboursement des dettes vis-à-vis de l’ensemble des créanciers de la galerie, dont, au premier chef, les artistes en attente de paiement de leurs œuvres. En revanche, les contrats ne peuvent être résiliés du seul fait de l’ouverture de la procédure.
La galerie est alors tenue d’établir un bilan économique et social et de négocier avec ses créanciers afin de reporter les échéances. À cette fin, tous les créanciers, dont les artistes, doivent adresser la déclaration de leurs créances (avances de frais de production, factures non honorées, etc.) dans les deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure afin de participer à la procédure et d’espérer recouvrir les sommes qui leurs sont dues.
Par ailleurs, l’artiste dispose d’un délai très court, de seulement trois mois, pour revendiquer les œuvres qu’il avait remises en dépôt à la galerie et qui peuvent se trouver aussi bien au sein même de la galerie, dans son storage ou encore dans des centres d’art ou des musées.
La rédaction du courrier accompagnant la revendication des œuvres doit être réalisée avec le plus grand soin possible pour éviter toute contestation éventuelle et des preuves de la propriété des œuvres doivent être jointes.
Les bons réflexes à avoir dans le cas de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement
Que faire lors de la faillite d’une galerie ?
Dans le cadre l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement, l’artiste doit :
- demander au galeriste ou au mandataire un état des ventes dans le cadre du mandat de vente qui lui a été confié ;
- déclarer ses créances (les montants non-réglés par la galerie au titre des ventes passées) dans un délai de deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture ;
- revendiquer ses œuvres dans un délai de trois mois suivant la publication du jugement d’ouverture.
En pratique, la déclaration des créances et la revendication des meubles peuvent être réalisées dans le même courrier. Une nouvelle fois, un accompagnement de l’artiste est ici souvent nécessaire afin de défendre au mieux ses droits.
D’autres moyens juridiques et judiciaires peuvent être mis en œuvre pour protéger les droits des artistes.
La procédure de revendication des oeuvres
La revendication des œuvres a pour objet d’informer le galeriste ou l’administrateur judiciaire ou encore le liquidateur qu’elles ne sont pas la propriété de la société mais bien de l’artiste.
L’artiste dispose de trois mois à compter de l’ouverture de la procédure pour revendiquer ses œuvres remise en dépôt. Cette revendication doit être faite par courrier avec accusé de réception à la galerie ou, le cas échéant, à l’administrateur judiciaire (avec une copie au mandataire judiciaire) ou encore au liquidateur judiciaire.
En l’absence de réponse dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit absolument saisir le juge-commissaire d’une requête dans un délai d’un mois afin de revendiquer ses œuvres.
Résumé des délais :
- envoi du courrier dans les trois mois à compter de la publication du jugement ;
- à défaut de réponse dans le délai d’un mois à compter de la réception du courrier, saisie sur requête sous un mois du juge commissaire.
Attention, l’artiste pourra se voir réclamer des frais de stockage de ses œuvres. Il est donc particulièrement important d’agir au plus vite.
Pour autant, et par principe, le contrat liant l’artiste n’est pas résilié et le galeriste n’est pas tenu de restituer les œuvres[1].
En effet, si la revendication implique normalement la restitution des œuvres[2], celle-ci peut être refusée si le contrat continue à être exécuté après l’ouverture de la procédure collective. La revendication a alors pour principal intérêt de permettre de déclarer sa propriété sur les œuvres et d’obtenir le paiement de la « part artiste » en cas de vente d’une œuvre pendant la procédure collective ou la restitution des œuvres lors de la résiliation ou du terme du contrat.
La fin du contrat avec la galerie
Un artiste peut-il mettre fin au contrat avec sa galerie si celle-ci rencontre des difficultés financières ?
L’ouverture d’une procédure collective n’entraîne donc pas automatiquement la fin du contrat[3]. L’artiste doit continuer à exécuter ses obligations malgré le défaut de paiement de la galerie antérieur à l’ouverture de la procédure. Par ailleurs, les œuvres revendiquées par l’artiste ne seront pas restituées tant que le contrat de représentation continuera à s’exécuter.
Néanmoins, le contrat liant l’artiste à la galerie est résilié de plein droit :
- si l’artiste met en demeure le galeriste de poursuivre le contrat et que cette mise en demeure est restée sans réponse pendant un mois ;
- à défaut de paiement en cas de vente pendant la procédure collective.
Résumé :
- il n’est pas possible d’obtenir la résiliation du contrat postérieurement à l’ouverture de la procédure pour des causes antérieures à celle-ci (ex : non-paiement des ventes réalisées avant la procédure) ;
- en revanche, il est possible d’obtenir la résiliation en cas d’inexécution postérieure à l’ouverture de la procédure judiciaire (ex : non-paiement des ventes réalisées après l’ouverture de la procédure) ;
- la résiliation peut également être décidée par le mandataire judiciaire ou l’administrateur judiciaire.
L’application durant l’urgence sanitaire
Les dispositions d’urgence prises par les pouvoirs publics ont pour objectif de protéger à la fois les entreprises en difficulté et les créanciers de ces entreprises.
Pour les galeries :
L’ordonnance du 27 mars 2020[4] prévoit que jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant le terme de l’état d’urgence sanitaire la date de l’état de cessation des paiements des entreprises est gelé au 12 mars 2020.
Du 12 mars au 24 août 2020, une entreprise ne peut être considérée comme en état de cessation des paiements si elle ne l’était pas au 12 mars 2020. Cette règle permet aux sociétés de se placer sous le régime de la mesure de sauvegarde et d’être protégées face à un éventuel manquement à leur obligation de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours normalement prévu.
Pour les artistes :
Le délai de deux mois pour déclarer sa créance et le délai de trois mois pour revendiquer ses œuvres sont prorogés par l’ordonnance du 25 mars 2020[5].
Ainsi, tous les délais arrivant à échéance durant la période de l’état d’urgence sanitaire, dont la fin est initialement prévue au 24 mai 2020, et un mois après l’expiration de cet état sont prorogés. À l’issue de ce délai, l’artiste dispose d’un délai de deux mois pour déclarer sa créance ou revendiquer ses œuvres.
Ainsi, si l’artiste devait déclarer sa créance ou revendiquer ses œuvres entre le 12 mars et le 24 juin, il pourra le faire jusqu’au 24 août. Il est néanmoins conseillé d’agir au plus vite et de prendre potentiellement d’autres mesures d’urgence.
Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste les artistes et auteurs dans la défense de leurs droits, notamment vis-à-vis des galeries qui peuvent les représenter et avec lesquelles des difficultés ont pu émerger.
You are a foreign artist whose works are now in the hands of a French gallery (in Paris or another French city) and you are worried about the economic future of the gallery. Similarly, your gallery has sold many works without you being paid yet and you are worried that you will never get the payment due. Our law firm, specialized in art law and artists' rights, can accompany you in all the necessary steps. These steps often have to be taken very quickly, especially if you no longer have contact with your gallery and if you are living abroad.
[1] Code de commerce, L. 624-10-1.
[2] Code de commerce, R. 624-13.
[3] Code de commerce, article L. 622-13.
[4] Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire.
[5] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période