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La qualité d’auteur d’une œuvre collective : un rappel opportun

Au regard de la propriété littéraire et artistique, la situation salariale est une véritable aubaine pour les professionnels du droit. Contexte conflictuel s’il en est, les nombreux litiges permettent aux magistrats de rappeler, de préciser, voire de faire évoluer le régime de la création artistique lorsque celle-ci est réalisée dans le cadre du salariat.

À cet égard, le 22 février 2019, le Tribunal de grande instance de Paris s’est saisi d’un conflit portant sur la titularité des droits d’un auteur de pièces de design créées dans le cadre d’un contrat de travail afin de revenir sur le régime attaché à l’œuvre collective.

En l’espèce, un salarié, chargé « d’imaginer et concevoir les objets et meubles de la ‘ligne 13’ de Maison Margiela et de suivre la totalité du processus d’édition de ces pièces », s’était ému de voir perdurer, après son licenciement, l’exploitation des œuvres dont il estimait être à l’origine. À l’inverse, si la société employeur reconnaissait bien une certaine contribution de la part de son ancien employé, ce travail s’inscrivait, selon la défenderesse, « dans un cadre prédéfini et contraint en amont, par les orientations et lignes directrices données par la Direction Générale et en aval par la recherche et la conception (…) des produits et objets de décoration intérieure (…) correspondant à la direction artistique et à l’image créative de la société ». Ainsi, alors que le requérant affirmait sa qualité d’auteur sur les créations en ce que seul son apport créatif devait importer, la société défenderesse soutenait qu’elle était seule titulaire des droits sur ces créations en mobilisant judicieusement le régime de l’œuvre collective.

Envisagée par l’article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, une telle catégorie d’œuvre suppose, comme le rappellent les magistrats, la prise d’initiative et de direction d’une entreprise, personne physique ou morale, ainsi que la fusion des contributions ne permettant pas l’attribution de droits distincts à des auteurs déterminés.

Reconnaissant l’importance de la participation du requérant dans le processus de création des pièces litigieuses, le Tribunal énonce cependant que ce dernier n’avait « jamais défini les choix esthétiques des lignes de produits de la société, qui s’inscrivaient dans un courant continu de créations » et, ce faisant, qu’il n’avait jamais assumé le rôle d’initiative et de direction nécessaire afin d’être investis des droits revendiqués. Enfin, appuyant leur démonstration, les magistrats rappellent les dispositions de l’article L. 113-5 du Code de propriété intellectuelle, qui instaure une présomption de titularité des droits sur l’œuvre créée dans un tel cadre au seul bénéfice de la personne sous le nom de laquelle la création est divulguée, soit ici celui la société défenderesse.

Bien que cette décision s’inscrive dans une jurisprudence constante et n’ait rien de spectaculaire, il n’en demeure pas moins qu’elle a pour mérite de rappeler l’équilibre délicat des rôles de chaque protagoniste dans le mécanisme de création d’une œuvre collective et de sa protection. La plus grande prise de risque n’appelle-t-elle pas très justement une plus grande contrepartie ?

Par Maxime Seiller
Stagiaire du Cabinet entre janvier et juin 2019
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