De l’importance des justificatifs lors d’un contrôle fiscal (2/2)
Article publié le 18 février 2025
A l’occasion d’un article antérieur, nous évoquions le contentieux fiscal de la Galerie D., galerie d’art à Paris. Pour mémoire, cette dernière avait fait l’objet, sur certaines des ventes d’œuvres d’art qu’elle avait réalisées en 2013 et en 2014, d’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe forfaitaire sur les objets précieux (TFOP) majoré des intérêts de retard, de pénalités et d’une amende.
Outre le redressement concernant la collecte et le paiement de la TVA évoqué au sein d’un précédent article, la Galerie avançait qu’elle n’était pas redevable de la de taxe forfaitaire sur les objets précieux (TFOP) sur les ventes litigieuses puisque les vendeurs détenaient les œuvres depuis plus de 22 ans avant la cession. Or, la réalité de la durée de détention d’une œuvre d’art doit impérativement être justifiée par une preuve acceptée par l’administration fiscale.
Par un arrêt du 24 janvier 2025[1], la Cour administrative d’appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance et rejette les demandes de la Galerie en considérant que, faute de pouvoir justifier de la durée de la détention des œuvres d’art par les vendeurs, l’exonérations ne peut être établie, et, juge en conséquence, le rappel d’imposition TFOP fondé.
Bref rappel quant au mécanisme de l’assujettissement à la TFOP
Cette taxe est due, aux termes de l’article 150 VI du CGI, à l’occasion de la cession ou de l’exportation de métaux précieux et de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité, dont le prix de cession ou la valeur en douane excède 5 000€, si le vendeur ou exportateur est un particulier résident fiscal en France. Le fait générateur d’application de la TFOP est en conséquence soit la cession à titre onéreux, soit l’exportation d’un bien visé par cette règlementation.
Toutefois, des exonérations sont prévues, à l’instar de celle permettant à l’exportateur ou au vendeur d’opter pour le régime de droit commun d’imposition des plus-values. Dans cette dernière hypothèse, et aux termes de l’article 150 UA du CGI, celui qui détient l’objet depuis plus de vingt-deux ans n’aura pas à s’acquitter du paiement de la TFOP, sous l’importante réserve de pouvoir démontrer la durée de la possession. En l’absence d'intermédiaire participant à la transaction, le paiement de la taxe incombe à l’acquéreur assujetti à la TVA établi en France.
L’indispensable preuve de la durée de la détention
Dans notre espèce, la requérante soutenait avoir acquis des œuvres d’art auprès de vendeurs détenant les œuvres depuis plus de vingt-deux ans, et se prévalait, par conséquent, d’être exonérée du paiement de la TFOP à l’occasion de la cession de ces œuvres. Or, pour être exonéré du paiement de cette taxe, le contribuable doit être en mesure d’établir de manière probante la date et le prix d’acquisition ou de la détention du bien. S’agissant d’un fait juridique, la preuve peut être apportée par tous moyens, à l’instar d’une facture, d’un reçu ou encore de l’acte de liquidation en cas de donation.
Pour les ventes concernées lors de ces deux exercices, objet du redressement, la valeur totale des œuvres pour lesquelles la TFOP n’avait pas été réglée s’élevait à 422.000€.
La requérante n’avait, ici, et malgré l’acception large quant au justificatif fourni, pas pu établir la durée de détention des œuvres par les vendeurs. En conséquence, la Galerie n’est pas fondée à soutenir que ces ventes seraient exonérées de la TFOP et demeure, en conséquence redevable de la TFOP ainsi que de la CRDS afférente.
La Cour administrative d’appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance et rejette les demandes de la Galerie en considérant qu’à défaut de pouvoir justifier de la durée de la détention des œuvres, la réalité de l’exonération ne peut être établie.
En définitive, être en possession de l’ensemble des documents permettant de bénéficier d’une exonération fiscale est non seulement indispensable mais également le préalable à toute velléité d’exonération fiscale, sous peine de se voir imposer, outre un rappel des taxes éludées, une amende fiscale égale à un pourcentage variant selon les infractions commises en cas de contrôle.
Que retenir ?
Lors d’une vente d’œuvre d’art (bien que la TFOP concerne également les métaux précieux, les bijoux, les objets de collection et d’antiquité) dont la valeur dépasse 5.000€ il convient de s’assurer au préalable de la réalité de la durée de la détention par les vendeurs.
Cet arrêt rappelle ainsi la nécessité de documenter chaque vente afin d’éviter toute difficulté dans l’hypothèse d’un contrôle fiscal. Il est ainsi conseillé de :
Anticiper : vérifier les documents avant la vente et s’assurer de leur conformité.
Archiver systématiquement les documents : conserver tous les justificatifs d’exportation pendant au moins 10 ans.
Se faire accompagner : en cas de doute, consulter un expert-comptable ou un avocat spécialiste dans le domaine.
Un article écrit par Me Alix Vigeant
Avocat à la Cour et Collaboratrice du Cabinet
Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur et particuliers sur des problématiques fiscales, dont celles attachées à la détermination de l’assujettissement à la TFOP lors des opérations réalisées.
[1] CAA Paris, 9e, 24 janv. 2025, n°24PA00538.