Contrat d’édition et éditeur en faillite
Depuis le 1er janvier 2022, de nouvelles règles s’appliquent en matière de contrat d’édition lorsque l’éditeur s’avère être placé en procédure collective, qu’il s’agisse d’une mesure de redressement, de sauvegarde ou de liquidation judiciaire.
La loi du 30 décembre 2021 « visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs » est venue modifier la résolution des problématiques attachées au sort des contrats d’édition lorsque l’éditeur se trouve en « faillite », c’est-à-dire juridiquement placé dans une procédure collective. Trois enjeux sont dorénavant expressément traités : le sort des contrats eux-mêmes, la question des droits impayés au détriment des auteurs et, enfin, la gestion du stock des livres.
Le sort des contrats d’édition en eux-mêmes
Les nouvelles dispositions de l’article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle viennent opérer une distinction selon la procédure collective à laquelle est confronté une société d’édition. Si celle-ci est en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire, le ou les contrats d’édition signés par un auteur ne sont pas automatiquement résiliés. Ainsi, même si l’auteur n’est plus payé, le seul fait pour l’entreprise éditrice d’être placée en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire ne permet plus à l’auteur de se voir restituer ses droits sur son ouvrage de plein droit.
Si la maison d’édition est revendue à un concurrent ou à un investisseur tiers, la cession des actifs de la société – dont les contrats d’édition conclus – n’emporte pas non plus une résiliation automatique des contrats. Les dispositions légales applicables en la matière prévoient ici qu’« en cas de cession de l’entreprise d’édition […], l’acquéreur est tenu des obligations du cédant ». La seule faculté qui est offerte à un auteur lui permettant de s’opposer à la cession de son contrat réside dans la démonstration que l’opération lui est gravement préjudiciable. En effet, le Code de la propriété intellectuelle prévoit qu’« en cas d’aliénation du fonds de commerce, si celle-ci est de nature à compromettre les intérêts matériels ou moraux de l’auteur, celui-ci est fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation de contrat ». Une pareille preuve ne sera pas aisée à rapporter à moins que des divergences – par exemples idéologiques ou politiques – n’existent entre l’auteur et le repreneur de la maison d’édition qui publiait l’auteur auparavant.
En revanche, lorsque la situation économique de l’éditeur ne peut plus offrir de possibilité de meilleure fortune et qu’aucune solution viable ne semble possible, la mise en liquidation de la société offre à l’auteur un moyen de retrouver automatiquement ses droits. Ainsi, le même article du Code de la propriété intellectuelle précise que « lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, l’auteur peut demander la résiliation du contrat ». Une telle demande doit être réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au liquidateur. Il s’agit là d’un des cas de rétrocession de plein droit offerts à un auteur lié par un contrat d’édition. Et si l’entreprise a purement et simplement cessé son activité sans en informer le tribunal compétent, et qu’ainsi aucun liquidateur n’a été nommé, la lettre doit être adressée à l’attention du représentant légal de la société afin de permettre la preuve de la volonté de l’auteur d’être délié. Enfin, la procédure de mise en arrêt de commercialisation peut être mise en œuvre.
Une reddition de comptes imposée
Par ailleurs, la loi du 30 décembre 2021 prévoit une reddition de comptes exceptionnelle dès lors que la cessation de l’activité de l’entreprise d’édition est prononcée. Cette nouvelle obligation est entrée en vigueur depuis le mois de juillet 2022. Ainsi, la loi oblige désormais l’éditeur ou le mandataire judiciaire à fournir à l’auteur une reddition de comptes et un état des stocks à date pour chacun des ouvrages publiés chez l'éditeur placé en redressement, en liquidation judiciaire ou en cessation d'activité.
Cet état des comptes, soit une reddition de comptes, doit faire apparaître le nombre d'exemplaires des ouvrages vendus depuis la dernière reddition des comptes établie, le montant des droits dus à leur auteur au titre de ces ventes ainsi que le nombre d'exemplaires disponibles dans le stock de l'éditeur. Le législateur a poursuivi ici l’objectif d’une information la plus précise possible des auteurs souvent désemparés face aux difficultés d’une entreprise prise dans la tourmente d’une procédure collective.
Enfin, cette reddition de comptes fait office d'acte de créance. Cela signifie qu’elle doit être transmise par l’auteur au mandataire judiciaire afin de lui en demander le paiement, en précisant que la créance de l’auteur s’avère privilégiée, en application des dispositions de l’article L. 131-8 du Code de la propriété intellectuelle. Le caractère privilégié de la créance signifie que celle-ci peut s’exercer pour les trois dernières années de rémunérations dues et que le paiement de cette créance est prioritaire par rapport à celle que peuvent avoir d’autres créanciers de l’éditeur. Pour autant, un tel privilège demeure fort hypothétique dès lors que la société éditrice est en incapacité financière de pouvoir honorer ses dettes vis-à-vis de l’auteur. C’est pourquoi, la SGDL a mis en place un fonds d'indemnisation pour le paiement des droits d'auteur depuis juillet 2022.
Le stock des livres
Les dispositions de l’article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle prévoient que le liquidateur judiciaire a l’obligation de proposer à l’auteur, prioritairement à toute autre personne, le rachat des exemplaires de ses ouvrages se trouvant dans les stocks de l'éditeur. L’auteur a ainsi la faculté, et non l’obligation, de racheter une partie ou l’intégralité du stock restant, au prix fixé par le mandataire liquidateur, qui ne peut être supérieur au prix public hors taxe de l'ouvrage. En effet, selon les dispositions du Code de la propriété intellectuelle, « le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués […] que quinze jours après avoir averti l’auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception ». À l’issue de ce délai, « l’auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. À défaut d’accord, le prix de rachat sera fixé à dire d’expert ».
Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs.