Les restitutions des restes humains appartenant aux collections publiques bientôt permises par la voie judiciaire
La proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques adoptée en première lecture au Sénat le 10 janvier 2022 isole la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. En effet, l’article 2 du texte prévoit une procédure spécifique à ce type de biens culturels. Est ainsi ajouté l’article L. 124-2 au Code du patrimoine qui encadre les conditions dans lesquelles certains restes humains patrimonialisés pourraient sortir des collections publiques.
Ainsi, en vue d'en accélérer la restitution sans procéder au déclassement par la voie législative, cet article étend aux restes humains la procédure judiciaire prévue à l’article L. 124-1 du Code du patrimoine. Désormais, la personne publique concernée pourra agir en nullité de la vente, de la donation ou du legs du bien. Cette disposition s’inscrit dans la continuité des travaux de réflexion initiés par le Sénat lors de l'examen de la loi du 18 mai 2010 sur la restitution de têtes maories à la Nouvelle-Zélande[1], et s’avère justifiée par le principe à valeur constitutionnelle de respect de la dignité humaine[2].
Cependant, cet article insère une triple condition en ce que les restes doivent être « dûment identifiés » et réclamés par leur Etat d’origine, ce qui suppose que l’appartenance à une communauté ou à un individu identifié soit clairement établie. Par ailleurs, les conditions de leur collecte ou de leur présence dans les collections doivent porter atteinte au principe de dignité de la personne humaine. Enfin, ils ne doivent pas avoir fait l’objet de recherches scientifiques depuis au moins dix ans.
Ainsi, sous ces conditions, les restes humains n’appartiendraient plus au domaine public et ne seraient corrélativement plus inaliénables. Aucune dimension scientifique n’est appliquée à l’examen de ces restitutions, hormis le critère d’identification. En outre, le Conseil qui serait nouvellement constitué par cette même loi ne serait pas consulté dans cette hypothèse. Contrairement à la volonté revendiquée de la Commission d’instaurer une justification basée sur des arguments objectifs dans les demandes de restitution, cet article va à l’encontre d’une cohérence dans la construction d’un cadre unique dans l’examen des demandes de restitution.
Balayant encore plus les possibilités d’une réflexion globale et d’une pensée mutuelle autour de ce débat capital des restitutions des collections publiques, le Président de la République a exprimé, en octobre 2021, le dessein de « cadrer les restitutions dans la durée ». C’est pourquoi ce dernier a confié à Monsieur Jean-Luc Martinez, ancien directeur du Musée du Louvre, ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, le soin de lui soumettre des propositions pour établir des critères permettant la restitution des biens des collections publiques. Le positionnement de cette proposition de loi dans le projet d’édification d’un cadre stable pour juger des demandes de restitution est, du fait de la multiplicité des sources de propositions, difficilement appréciable. Ce texte fera l’objet d’une lecture à l’Assemblée nationale dans les mois à venir.
Un article écrit par Alix Vigeant
Stagiaire au sein du Cabinet entre janvier et juin 2022.
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[1] Ph. Richert, Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles au sujet de la Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, 23 juin 2009.
[2] CC, déc. 27 juill. 1994, n° 94-343/344 dite « Bioéthique ».