Droit à l'image et liberté d'expression
De la relation entre le photographe et designer Willy Rizzo et la star de cinéma Elsa Martinelli (décédée en juillet 2017) naquirent de très nombreux clichés dont certains furent exposés dans une galerie parisienne en 2013. Intitulée « Rio de Janeiro par Rizzo », l’exposition présentait dix photographies prises par l’ex-mari d’Elsa Martinelli, pendant leurs vacances brésiliennes, soit dans un contexte privé, et sans que la star hollywoodienne d’origine italienne n’ait jamais consenti à leur divulgation. Se voyant opposer par la galerie un refus strict de cesser l’exploitation de ces images, dont la teneur porterait atteinte à son droit à l’image, l’actrice assigna la galerie. Le Tribunal de grande instance de Paris l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, le 1er mars 2017, offrant ici un rappel des conditions de l’articulation entre deux droits fondamentaux : le droit à l’image et la liberté de création artistique.
Le tribunal rappelle ainsi que l’article 9 du Code civil consacre pour toute personne un droit subjectif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite. Ce droit permet, en principe, et à la condition que la personne qui s’en prévaut soit identifiable, de s’opposer à la diffusion de celle-ci sans son autorisation— laquelle peut cependant être implicite — et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait. Par ailleurs, le droit à l’image s’avère également protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. À ce titre, un tel droit doit être concilié avec le principe de la liberté d’expression, qui comprend la liberté de création artistique, dont le même article assure la protection. Or, le tribunal souligne que cette liberté de création artistique, tant par sa nature et son apport que par les droits moraux et patrimoniaux qui y sont attachés, peut conduire à une interprétation plus stricte de l’étendue des droits protégés par l’article 9 du Code civil.
Le droit à l’image et la liberté d’expression ont la même valeur normative. Lorsqu’un conflit existe entre ces deux droits, la justice doit trancher en faveur de l’un ou de l’autre. Et dans cette résolution, le tribunal rappelle que l’étendue de la protection accordée par le droit à l’image peut être réduite et ce, notamment lorsque la personne qui se plaint de l’atteinte à ces droits à donné son accord et qu’une absence de caractère indigne, dégradant voire dénigrant de l’œuvre en cause est relevée. Soit deux critères fondamentaux dans l’appréciation à opérer. Le rappel de la protection renforcée de la liberté d’expression est régulièrement réalisé par les juridictions. Le même tribunal avait eu à connaître, en 2016, d’un différend opposant Helmut Newton à un ancien modèle. À cette occasion, le tribunal avait pu élégamment retenir que la liberté de création est une des formes les plus abouties de la liberté d’expression.
En l’espèce, l’atteinte au droit à l’image n’est nullement retenue. D’une part, le tribunal relève l’absence de « caractère intime des scènes photographiés – qui ne présentent au demeurant aucun caractère dégradant et démontrent au contraire une recherche évidente de mise en valeur de leur sujet – ». D’autre part, le tribunal estime que ces prises de vue sont le reflet de l’œuvre de Willy Rizzo et du style qui lui était propre. Dès lors, « le droit à la liberté d’expression, dont la diffusion d’une œuvre artistique est une modalité d’exercice parmi d’autres, doit nécessairement être privilégié à la protection du droit à l’image de la demanderesse, qui ne démontre pas l’atteinte qu’elle prétend y avoir été portée ». Autant de rappels précieux avant d’envisager d’exposer l’image d’autrui.
Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour.
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