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Collectionneur - les moyens juridiques pour organiser sa succession

Trois mécanismes sont à disposition du collectionneur pour donner ses œuvres d’art : la donation, le don manuel et le legs. Le don manuel et la donation ont lieu du vivant du donateur au contraire du legs, qui prend effet à sa mort et qui se prévoit par testament.

L’intérêt de ces différents mécanismes réside dans le fait qu’ils peuvent être accompagnés de charges, c’est-à-dire de conditions imposées par le collectionneur afin de faire respecter sa volonté au bénéficiaire de son don ou legs.

Le don manuel, la donation et le legs

La donation ou le don manuel
Si le Code civil français n’évoque que la donation, la pratique admet également le don dit « manuel ». À la différence de la donation, qui doit être constatée par acte écrit devant notaire, le don manuel repose sur la seule remise physique du bien « de la main à la main ».

L’article 894 du Code civil définit la donation comme un acte par lequel le donateur – ici le collectionneur – se dépouille de façon irrévocable du bien dont il est propriétaire au bénéfice du donataire qui l’accepte. Ce don doit être passé devant notaire pour être valable. À défaut, la donation sera nulle. Le don manuel repose, quant à lui, sur la tradition, c’est-à-dire qu’il se forme par la seule remise de la chose soit l’œuvre d’art.

La distinction entre les deux mécanismes a des effets importants en pratique tant pour le collectionneur que pour le bénéficiaire du don.

Le collectionneur et le bénéficiaire peuvent préférer l’absence de formalisme du don manuel qui repose uniquement sur un accord verbal et la remise du ou des tableaux. Ainsi, le recours au don manuel permet d’éviter les frais de l’acte notarié et d’accorder une certaine souplesse aux parties à l’acte. En revanche, les parties ne bénéficieront pas de la même sécurité juridique que celle conférée par un acte notarié. Or, il arrive souvent que des litiges surgissent à l’occasion de la transmission de la propriété des œuvres ayant fait l’objet d’un don manuel en l’absence de trace écrite. Sont-elles la propriété du détenteur ou font-elles simplement l’objet d’un dépôt ?

Si les parties choisissent de ne pas recourir à un acte notarié il leur sera toutefois recommandé d’entériner le don avec, par exemple, une lettre de remerciement de la part du bénéficiaire. Ce document pourra également comporter les conditions imposées par le collectionneur au bénéficiaire du don.

Dans l’hypothèse de la rédaction d’un document accompagnant le don manuel, celle-ci devra être particulièrement rigoureuse. En effet, une mauvaise rédaction est susceptible d’entrainer la requalification du don manuel en donation qui doit, sous peine de nullité, être conclue devant notaire. Il est donc vivement conseillé de faire appel à un Avocat spécialise afin de rédiger ce document et d’en comprendre toute la portée et les enjeux juridiques.

Le legs
Le legs repose sensiblement sur le même mécanisme à la différence près qu’il n’est mis en œuvre qu’une fois le décès intervenu. Il s’agit donc d’un don à cause de mort inscrit dans le testament du collectionneur. Le legs peut concerner une œuvre ou plusieurs œuvres d’art. Attention toutefois, le legs universel ou le legs de certains biens peut porter atteinte à la réserve héréditaire. Il est donc essentiel d’être accompagné afin d’éviter toute action de la part des héritiers mettant en péril les volontés du collectionneur.

Les charges pouvant accompagner les dons et legs

Le collectionneur peut choisir d’assortir son don ou son legs de conditions imposées au bénéficiaire qui, s’il accepte les œuvres et tableaux objets du don, devra les respecter sous peine de faire l’objet d’une action en révocation par le collectionneur puis, après son décès, par ses héritiers.

Les charges sont ainsi définies comme les conditions déterminantes de la volonté du donateur devant être respectées par le bénéficiaire pour pouvoir jouir des œuvres d’art en conformité avec les exigences du collectionneur.

Cette technique est pratique courante et explique que certaines salles de nombreux musées réunissent des œuvres diverses mais issues d’une même donation. C’est ainsi que le musée d’Orsay a pu bénéficier de deux donations de la part du couple américain formé par Marlene et Spencer Hays. Après une première donation sous réserve d'usufruit au musée d'Orsay en octobre 2016 de 187 œuvres d’art, la veuve de Spencer Hays a souhaité pouvoir compléter les collections du musée en procédant à la donation de 106 œuvres réunies autour des Nabis et de l’art du début du XXe siècle. Leur collection sera présentée, à terme, dans des salles à part situées au 4e étage afin de respecter la charge attachée au don consenti. 

Le collectionneur peut donc imposer au bénéficiaire :

  • l’inaliénabilité des peintures et sculptures qu’il donne ;

  • l’obligation de les exposer dans un lieu déterminé ;

  • l’obligation qu’elles soient exposées dans certaines conditions ;

  • l’obligation de mentionner son nom avec les œuvres;

  • que l’accès aux œuvres données soit gratuit ;

  • -       que leur présentation publique respecte certaines conditions de monstration.

La seule limite est ici celle de la volonté du collectionneur.

Les charges seront inscrites soit dans le testament pour le legs, soit dans l’acte notarié dans la donation. Concernant le don manuel, il convient toutefois d’être prudent dans la rédaction du document l’accompagnant mentionnant les charges imposées par le collectionneur.

La prudence doit également être de mise pour le bénéficiaire du don. En effet, s’il ne respecte pas les conditions, il pourra s’exposer à une action en révocation du don pour inexécution des charges par le collectionneur ou par ses héritiers. Il convient donc au bénéficiaire de vérifier la viabilité économique et matérielle des charges accompagnant le don. En revanche, il lui sera possible d’obtenir en justice une révision des charges lorsque des circonstances nouvelles rendent extrêmement difficile ou sérieusement dommageable leur maintien par le bénéficiaire.

Le Cabinet Alexis Fournol accompagne les collectionneurs afin de les aider à anticiper les aléas des successions et met à leur disposition son réseau de professionnels du secteur. Le Cabinet intervient ainsi régulièrement dans la rédaction de dons manuels ou dans leur remise en cause par les héritiers qui considéreraient que les charges ne sont pas respectées.